Communiqué de Greenpeace
Le 11 octobre 2015 est un moment clé du quinquennat de François Hollande. En effet, c’est à ce moment-là qu’on verra si le chef de l’Etat respecte les promesses du candidat (la fermeture de Fessenheim durant son mandat) et la lettre de la loi sur la transition énergétique, votée à l’été 2015, qui prévoit un plafonnement de la capacité nucléaire installée sur le sol français.
Pourquoi ? Parce que c’est à cette date, sur laquelle le gouvernement communique bien peu, que la loi de transition énergétique impose à EDF pour déposer auprès du ministère de l’Environnement une demande « d’autorisation d’exploiter » pour l’EPR de Flamanville.
Or ce dossier, pour être complet, doit aussi contenir une demande d’abrogation de l’autorisation d’exploiter deux réacteurs, pour que le plafond de puissance fixé par la loi de transition énergétique à 63,2GW soit respecté. Pour être dans les clous, EDF doit donc annoncer quels sont les réacteurs qu’il entend fermer.
Les échéances établies par la loi de transition énergétique :
– 11/10/15 (article 187 de la loi) : dépôt par EDF d’un dossier complet pour Flamanville, incluant la fermeture de deux autres réacteurs.
– Après un délai maximum de 4 mois, soit le 11/02/16 (Article 3 du décret 2000-877): échéance pour le décret d’abrogation de l’autorisation d’exploiter ces deux réacteurs par le gouvernement.
– Fin 2016 au plus tard : fin de l’autorisation d’exploiter ces deux réacteurs, conformément à l’engagement de François Hollande. Cela se traduit concrètement par la fin de la production d’électricité.
Une promesse politique et un souhait populaire
En 2011, François Hollande avait annoncé son intention de fermer la centrale de Fessenheim pendant son mandat. En septembre 2013, lors de la seconde conférence environnementale du quinquennat, François Hollande avait programmé la fermeture de Fessenheim fin 2016. Et la loi votée cet été lui donne l’occasion de se mettre en accord avec lui-même et les Français, qui sont près de 58% à souhaiter la fermeture de Fessenheim (l’une des plus vieilles centrales en activité et l’une des moins sûres, puisqu’elle est située sur une faille sismique).
Côté gouvernement, on semble encore tergiverser. Côté EDF, son patron, Jean-Bernard Lévy, freine des quatre fers : la centrale de Fessenheim rapporte encore à l’entreprise et les coûts du démantèlement ne sont pas encore évalués. C’est effectivement une transition qu’il faut mettre en musique : du nucléaire vers les renouvelables, qui représentent un gisement d’emplois non négligeable ainsi qu’un nouveau champ d’activité économique en plein essor dans les autres pays européens, et sur lesquels nous sommes en train d’accuser un retard injustifiable.
Subtilités juridiques
La notion de « fermeture » n’existe pas à proprement parler dans le droit français. Tout tourne autour de “l’autorisation d’exploiter” un réacteur, ultime décision administrative, qui peut être retirée ou abrogée. Dès cette autorisation abrogée par décret, le réacteur est considéré comme ayant cessé son activité. L’arrêt définitif nécessite une autorisation de l’ASN et constitue l’ultime étape d’une fermeture d’un réacteur nucléaire avant le démantèlement.
Le déclassement arrive pour sa part une fois le démantèlement effectué, et quand l’installation ne nécessite plus de mesure de contrôle de sûreté. En l’occurrence, la « fermeture » d’une centrale se définit concrètement par le passage d’une situation de connexion au réseau, à celle d’une déconnexion sans retour en arrière possible.
Pour faire simple : seule une abrogation de l’autorisation d’exploiter début 2016 permettrait de rendre la fermeture de Fessenheim irréversible, quelle que soit la prochaine majorité élue. Notamment parce que l’évolution contraignante des normes de sûreté édictées par l’ASN rend peu réaliste la demande d’un nouveau décret d’exploitation – lequel devra alors reprendre le long chemin du processus législatif classique.
EDF hors-la-loi
Le 11 octobre, il est probable qu’EDF dépose un dossier incomplet : demande d’exploitation de l’EPR de Flamanville d’un côté, mais absence des demandes d’abrogation des deux réacteurs de l’autre. Car EDF commence déjà à évoquer des délais concernant les procédures sociales internes, sur les sites envisagés pour cessation d’activité, pour reporter les abrogations nécessaires.
Cela signifierait qu’EDF ne s’est pas encore mis en mouvement pour évoluer vers la transition énergétique et qu’il se place, de fait, hors-la-loi. Or, il est question depuis longtemps maintenant de fermer des réacteurs obsolètes en France. Par ces retards et ces louvoiements, EDF expose ainsi toute son irresponsabilité en matière de politique sociale : au lieu d’amorcer un cycle de reclassements sur d’autres sites et de développer d’autres activités dans le secteur prometteur desrenouvelables, il se contente de faire l’autruche et s’entête à promouvoir une énergie moribonde et coûteuse pour les Français.
Le rôle du gouvernement
A partir de la remise du dossier, le 11 octobre 2015, l’Etat dispose de quatre mois maximum pour procéder à son examen, ce qui nous mène en février 2016. Si l’Etat risque de tolérer une remise de dossier incomplète le 11, il n’y a aucune raison pour qu’il ne rende pas un avis en février 2016.
A ce moment-là, les deux réacteurs à fermer devront être enfin connus et les décrets d’abrogation prononcés une fois pour toutes. Et nous serons bien évidemment vigilants à ce que ce soit bel et bien le cas.
50% de nucléaire en 2025 = fermeture de 3 réacteurs par an dès 2016…
La fermeture de Fessenheim avant fin 2016 n’est pas qu’un engagement présidentiel, c’est la première traduction exacte en actes du cap établi par la loi de transition énergétique. Sans premier acte fondateur dans le mandat de Hollande, le Président condamnerait tout simplement la transition énergétique en France. Par ailleurs, au-delà de 2016, il faudra continuer d’engager les fermetures pour atteindre les objectifs.
Fermer deux réacteurs aujourd’hui n’a pas d’impact sur la fourniture d’électricité
Si l’ouverture de Flamanville est conditionnée à la fermeture de deux réacteurs nucléaires, la réciproque n’est pas vraie pour autant : des réacteurs peuvent être d’ores et déjà fermés sans attendre la mise en route de Flamanville. D’autant que le chantier du nouvel EPR ne cesse d’être retardé, notamment en raison de problèmes techniques dans la cuve qui, malgré la communication émolliente d’EDF, ont peu de chance d’être résolus (encore moins dans les temps annoncés).
Concernant la sécurité de l’approvisionnement énergétique, le Réseau de Transport de l’Electricté (RTE) a affrimé à la fin du mois de septembre 2015, dans son bilan prévisionnel que deux réacteurs pouvaient être fermés dès aujourd’hui, sans aucun impact sur la couverture des besoins énergétiques français jusqu’en 2020.
Tout est donc question de volonté politique.