Pour certaines affaires, plus c'est gros, moins on risque. C'est le « Too big to fail » (« trop gros pour faire faillite »)qui s'applique en particulier au monde de l'économie : quand une entreprise ou une banque de très grosse taille connaît des difficultés, elle se retrouve très rarement en faillite. Sa chute aurait des conséquences tellement importantes que l'Etat ou d'autres institutions viennent à son secours.
C'est ce schéma qu'a appliqué Roland Dumas, Président du Conseil constitutionnel en 1985. Il avait validé les comptes de campagne de Balladur et de Chirac, ce qu'il justifie aujourd'hui ainsi :" Roland Dumas se dit « convaincu d'avoir sauvé la République » en ayant validé, en 1995, les comptes de campagne présidentielle « manifestement irréguliers » de Jacques Chirac, mais aussi d'Edouard Balladur."
La fraude entraînait un scandale tellement important qu'il fallait mieux la garder secrète. Rappelons qu'en 1985, un certain Nicolas Sarkozy était officiellement porte-parole du candidat, mais, en réalité, il avait un rôle prépondérant, comme l'écrit Le Monde" 'homme-orchestre de la campagne électorale d'Edouard Balladur".
Tout cela pour en venir à Bygmalion, le scandale à 18,5 millions d'euros de dépassement de la campagne de Sarkozy en 2012. Dans cette affaire, la justice avance à grands pas, aidées par les révélations venant de l'UMP, minée par la bataille Copé contre Fillon.
C'est Jérôme Lavrilleux, bras droit de Copé qui a lâché le premier le morceau, les faits ayant été confirmés par les dirigeants de la société Bygmalion.
A ce jour, quatre cadres de cette société ont été mis en examen, ainsi que trois anciens cadres de l'UMP et récemment trois hauts responsables de la campagne de Sarkozy en 2012 les ont rejoints.
Jérôme Lavrilleux est protégé par son mandat de député européen, mais son immunité pourrait être levée par le Parlement européen.
Et Nicolas Sarkozy ? Il était le candidat, c'est donc lui qui a signé les comptes présentés au Conseil constitutionnel (et rejetés pour dépassement, d'où le Sarkothon, mais c'est une autre affaire !).
Nicolas Sarkozy déclare tout ignorer de ce montage, il était candidat et n'avait pas le temps de vérifier toutes les factures. On ne lui en demande pas tant, mais qu'il n'ait pas été informé d'un dépassement de plus de 18 millions du seuil légal, et qu'il ne s'en soit pas rendu compte même une fois la campagne terminée relève du conte de fées.
Sarkozy sera-t-il un jour inquiété pour cette fraude, cela dépend en partie du comportement et de la coopération des inculpés. Mais ils sont nombreux, et il suffirait que l'un d'eux craque. Et même sans cela, le candidat est de fait et de droit responsable de ses comptes de campagnes.
Reste un atout, jouer le temps jusqu'aux prochaines élections présidentielles, et alors compter sur le renouvellement du scénario de 1985, too big to fail.