Extraits de l'article d"Amnesty International publié le 03.11.2022
En deux ans, le conflit au Tigré, dans le Nord de l'Éthiopie est devenu l'un des plus violents et meurtriers de la planète. Pourtant, personne n'en parle ou presque. Retour sur une guerre meurtrière qui se déroule à l'abri des regards.
Des centaines de victimes de viols et d’esclavages sexuels. Un nettoyage ethnique. Des dizaines de milliers de civils tués. Des crimes de guerre…Quand on pense à la guerre aujourd’hui, on pense à l’Ukraine ou au Yémen. Mais non… Nous sommes en Éthiopie. Depuis deux ans, le conflit au Tigré se déroule à huis clos. Des massacres se passent à l’abri des regards. Pourquoi ? Parce que le gouvernement empêche tout accès à la zone de conflit, au Tigré, une région montagneuse au nord de l’Éthiopie. Journalistes, humanitaires, chercheurs… aucun observateur n’est autorisé à y entrer. Nous avons malgré tout réussi à contourner ce black-out imposé et à enquêter pour dénoncer ce qu’il s’y passe.
Aujourd’hui, un espoir apparaît. Le 2 novembre, le gouvernement éthiopien et le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) ont signé un accord de paix. Un premier pas dans la bonne direction. Mais il doit rendre justice aux nombreuses victimes et survivants du conflit.
Une guerre à huis clos
Rares sont donc les observateurs qui ont pu se rendre au Tigré depuis l’éclatement du conflit le 4 novembre 2020. Le journaliste Charles Emptaz en fait partie. Mais il a fallu ruser. “Pour y aller, ça a été deux ans de travail, pour trouver le trou de souris par lequel se glisser” dit-il.
Dès le début du conflit, le gouvernement renvoie toutes les voix indépendantes (journalistes, experts...), et barre l’accès à la région. Il coupe le téléphone, Internet et restreint l’accès aux médias. “La stratégie de l’Etat Ethiopien était claire : il ne voulait pas d’observateurs sur place. Tout était fait pour que ce qui se passe au Tigré reste en dehors des regards” explique le journaliste. “Le pire, c’est que ça a plutôt bien marché. Le conflit en Éthiopie est un angle mort de l’actualité. C’est un pays hors des radars.”