Communiqué de l'ANAFE le 14.05.2025
Le 12 septembre 2024, la CEDH rejetait la requête formulée par Loïc Le Dall, à la suite de sa condamnation pour « aide à l’entrée d’un étranger en situation irrégulière en France ». Cette décision, qui mit fin à plus de 6 ans de procédure, est un camouflet pour l’ensemble des militants et militantes des droits des personnes étrangères, qui demandent aux Institutions européennes de garantir l’application systématique de l’immunité humanitaire aux frontières.
Loïc Le Dall, président d’Emmaüs La Roya et membre du conseil d’administration de l’Anafé, militant de la défense des droits des personnes exilées, a été arrêté à la frontière franco-italienne en janvier 2018 alors qu’il conduisait sa voiture avec à son bord une personne racisée. Relaxé par le tribunal correctionnel puis condamné par la cour d’appel, la Cour de cassation a finalement confirmé en janvier 2023 sa condamnation pour « aide à l’entrée d’un étranger en situation irrégulière en France » en excluant l’immunité humanitaire pour l’aide à l’entrée. Aucune réponse n’a été apportée concernant le manque de caractérisation de l’infraction par la cour d’appel. C’est en effet sans aucun élément matériel permettant de savoir si la personne était ou non « étrangère » et « en situation irrégulière » que la cour d’appel a décidé de condamner Loïc Le Dall.
Résolu à faire prévaloir le principe de fraternité qui motive son engagement et estimant qu’il a été victime d’une atteinte à son droit fondamental de porter assistance aux personnes vulnérabilisées par devoir de conscience, le président d’Emmaüs La Roya a déposé en mai 2023 une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Cette dernière a rendu une décision d’irrecevabilité le 12 septembre 2024.
Face à cette décision, Loïc Le Dall a déclaré : « nous sommes pris·e dans un étau juridique entre l’interdiction d’aider à l’entrée sur le territoire d’une personne y compris lorsque sa vie est en jeu lorsqu’elle se présente à une frontière terrestre et le risque d’être poursuivi·e pour non-assistance à personne en danger – et ce, sans compter la culpabilité s’il lui arrive quelque chose. » avant de conclure : « j’invite tous les juges des juridictions françaises et de la CEDH qui ont participé à mon procès à venir constater les violations des droits que nous observons au quotidien depuis 9 ans à la frontière franco-italienne. Je leur ferai découvrir la réalité de cette frontière et les accueillerai dans notre communauté ».
Pour nos organisations, cette décision est dangereuse pour toutes les personnes qui défendent les droits des personnes exilées en France. La CEDH n’a pas pris en compte le fait que les éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas constitués. Elle n’a surtout pas pris la mesure du durcissement de la législation française à l’encontre des défenseurs et défenseures des droits des personnes en migration, ni des pratiques de l’administration.
Nos organisations appellent à une modification des textes afin de garantir l’application systématique de l’immunité humanitaire aux frontières. Les personnes solidaires ne doivent plus être inquiétées, poursuivies ou condamnées pour leurs actions de fraternité à l’égard des personnes en migration. La défense des droits des personnes étrangères aux frontières que ce soit en mer, en montagne ou dans les plaines, ne doit plus être réprimée. À l’image de l’obligation de sauvetage en mer qui prohibe de poursuivre les organisations qui sauvent des vies en mer, et même si cela va à l’encontre des dispositions du Pacte sur l’immigration et l’asile et de la réforme Schengen qui ont accordé des dispositions permettant de réprimer les organisations y compris humanitaires dans certaines conditions, il serait temps que l’Union européenne se dote d’un mécanisme dédié au droit d’aider autrui à titre humanitaire, y compris à la frontière. Nos organisations continueront à militer pour ce droit et à soutenir les personnes exilées et toutes celles et ceux qui leur viennent en aide.