Article tiré du Monde Diplomatique
es détracteurs de M. Recep Tayyip Erdoğan voient dans cette arrestation un palier supplémentaire dans l’interminable dérive autoritaire du numéro un turc. Sur décision d’un juge, le maire d’Istanbul, M. Ekrem İmamoğlu — ainsi que plusieurs douzaines de ses collaborateurs —, visé par diverses accusations de corruption et de terrorisme, a été incarcéré dimanche 23 mars, au moment même où l’édile était désigné comme le candidat officiel du Parti républicain du peuple (CHP, la formation historiquement créée par Atatürk) pour la prochaine présidentielle.
Point d’orgue d’un climat de durcissement perceptible depuis des semaines, cette mise sous les verrous a eu lieu quatre jours après que M. İmamoğlu a été cueilli au petit matin à son domicile, au terme d’une opération ayant mobilisé des centaines de policiers. La vague de protestation soulevée par son interpellation apparaît comme la plus massive depuis l’élan de contestation spontané contre la suppression du parc Gezi à Istanbul au printemps 2013. En dépit des interdictions à manifester et du verrouillage des réseaux sociaux, la foule, entraînée par la jeunesse étudiante, a de nouveau battu le pavé dans une vaste majorité de provinces pour la sixième soirée consécutive lundi. De source gouvernementale, plus d’un millier de personnes ont été appréhendées, dont plusieurs journalistes, sans que rien ne permette d’anticiper un essoufflement rapide du mouvement.