Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Increvable et universel

Edito de Riss dans Charlie-Hebdo du 07.01.2025

Dix ans après, Charlie Hebdo est toujours là. Les causes du drame aussi. Ainsi que la détermination des membres du journal. La situation géopolitique a évolué, s’est même aggravée. Des régimes autoritaires comme la Russie ou la Chine ne cachent plus leurs ambitions de combattre les valeurs démocratiques avec le même fanatisme que des organisations terroristes islamistes comme Daech ou al-Qaida. La démocratie est une idée qui semble de plus en plus contestée par des forces hostiles de plus en plus actives.

Qu’est-ce qu’un hebdomadaire pouvait espérer faire, à son modeste niveau, pour combattre ces forces hostiles ? D’abord survivre. Au lendemain de l’attentat, nous nous sommes ­retrouvés au pied du mur : du statut de commentateur de l’actua­lité, Charlie Hebdo est brutalement passé à celui ­d’acteur politique. Si Charlie s’effondrait et disparaissait, les terroristes gagnaient. Si Charlie réussissait à se relever, les terroristes échouaient. Continuer le journal, c’était prouver que les idées pour lesquelles nous nous battions depuis des années, au moyen de textes et de dessins, n’avaient pas été que du bavardage, mais l’expression de nos convictions profondes. L’attentat fut un moment de vérité qui allait mettre à l’épreuve la solidité de nos idées, et ce malgré les souffrances et la difficulté de devoir reconstruire une rédaction toujours ciblée par des menaces et dénigrée par les critiques. Parce qu’une idée, c’est du réel, du vécu, pas seulement des belles paroles qu’on déclame ou qu’on gribouille dans un édito.

Ce qui nous a réconfortés durant ces dix années, ce sont les gens que nous croisions, en France ou à l’étranger, qui nous disaient : « Heureusement que vous êtes là. » On leur répondait : « Heureusement que vous êtes là, vous aussi. » En dix ans, ­Charlie Hebdo est devenu bien plus qu’un journal. Il suffit de lire ce que déclare cet Irakien, interrogé par Inna dans ce numéro : « Le courage affiché par Charlie Hebdo nous rappelle à tous ici le rôle essentiel de la laïcité, telle qu’incarnée par l’exemple français. » Ou ce Turc : « La résilience de Charlie Hebdo alimente notre lutte, en Turquie, où la censure d’Internet et la répression médiatique persistent. » Le combat que Charlie mène depuis 1970, depuis 1992 et depuis 2015, c’est celui de ceux qui, pour être libres, se battent contre toutes les formes d’asservissement, politique, religieux ou économique.

 

Universel et intemporel

Vaste programme, ironiseront certains. Mais à quoi bon faire un journal pour un autre objectif que celui-là ? C’est ce qu’avaient toujours désiré ceux qui l’ont fondé et l’ont fait vivre pendant des années, parmi lesquels plusieurs l’ont payé de leur vie. Aujourd’hui, les valeurs de Charlie Hebdo, comme l’humour, la satire, la liberté d’expression, l’écologie, la laïcité, le féminisme pour ne citer que celles-ci, n’ont jamais été autant remises en cause. Peut-être parce que c’est la démocratie elle-même qui se trouve menacée par des forces obscurantistes renouvelées. La satire possède une vertu qui nous a aidés à traverser ces ­années tragiques : l’optimisme. Si on a envie de rire, c’est qu’on a envie de vivre. Le rire, l’ironie, la caricature sont des manifestations d’optimisme. Quoi qu’il arrive, de dramatique ou d’heureux, l’envie de rire ne disparaîtra jamais.

À la fin de l’année qui vient de s’achever, Charlie Hebdo a réalisé, en collaboration avec la Région Grand-Est, un numéro entièrement écrit et dessiné par des lycéens. À la question « c’est quoi, l’esprit Charlie ? », nous pourrions répondre ceci : ça commence au collège ou au lycée, quand on a envie de caricaturer ses profs et d’exprimer des choses qui nous révoltent. L’esprit Charlie, ça débute à l’âge où on prend conscience qu’on fait partie du monde et qu’on a envie de le faire savoir, par des dessins provocateurs ou des textes enflammés. Ce désir est de tous les âges, de toutes les époques, de tous les continents, de toutes les cultures. Il est présent partout sur cette planète, en Iran, en Turquie, au Nigeria, aux États-Unis, au Mexique, comme dans votre lycée ou votre collège. Le concours de caricatures de Dieu auquel ont participé des dessinateurs de 28 nationalités différentes en est un bel exemple. Universel et intemporel, comme l’est le plaisir de rire et de réfléchir, c’est ça, Charlie, et rien de plus. l

charlie-hebdo,liberté d'expression,dessin,humour

Écrire un commentaire

Optionnel