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Et si le sport prônait la coopération et la lenteur ?

Extraits de l'article de Reporterre publié le 03.08.2024


Domination, concurrence... Les valeurs du sport sont en totale opposition avec celles liées à l’écologie. Des sportifs et chercheurs en prônent d’autres, plus respectueuses de soi et des autres.

Pleurs de joie des vainqueurs, liesse cathartique des spectateurs et même embrassades fraternelles et sororales entre adversaires d’un jour : depuis l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, le 26 juillet, les traditionnelles scènes d’émotions collectives se multiplient, célébrant les premières médailles. Ce que l’on appelle communément les « valeurs du sport » profite, à l’occasion des JOP, d’une publicité médiatique colossale : plus de 4 milliards de téléspectateurs sont espérés par le Comité international olympique (CIO).

L’événement véhicule toutefois d’autres valeurs, largement moins consensuelles : quête sans fin du dépassement de soi et des autres, désir de puissance, volonté de contrôle, éloge de la compétition, culte de la performance, classement des individus… En un mot, une philosophie de la démesure, antinomique à celle de l’écologie. Alors que le cataclysme écologique en cours souligne plutôt l’urgence de ralentir et de retrouver le sens des limites, le sport semble prôner une éthique à rebours complet de la révolution culturelle dont nous avons besoin. Peut-il encore se réinventer et mettre sa formidable puissance mobilisatrice au service d’une bifurcation civilisationnelle écologique ?

(...)

Retrouver une écologie corporelle

Ce rapport totalitaire au corps est également un fait social majeur pour Bernard Andrieu, philosophe du corps. Tant et si bien qu’il a rebaptisé l’Anthropocène, notre époque de ravages écologiques, par le terme de « corpocène ». « Il désigne notre conception capitaliste, coloniale et dominatrice du corps », résume le professeur en Staps, à l’université Paris Cité.

Il plaide pour le retour à une « écologie corporelle », soit une activité physique qui priorise le plaisir, la connaissance de soi et du milieu dans lequel on active son corps par des pratiques lentes. Ce que le chercheur appelle avec ses collègues le « slow sport ». « C’est une pratique corporelle qui cherche la performativité au lieu de la performance. C’est-à-dire la réalisation d’un acte qui correspond à une volonté, pas forcément héroïque mais plutôt relatif à l’amélioration de la connaissance de soi », dit-il.

La réhabilitation de l’effort physique passe pour le chercheur par d’autres batailles sémantiques. Par exemple en remplaçant l’objectif de dépassement par celui d’accomplissement. « L’accomplissement peut être compris comme un approfondissement progressif, en spiral, de la conscience de soi et de son milieu, dans une conception aux antipodes du dépassement occidental linéaire, sans limites, qui pousse le sportif à traverser un milieu sans le voir pour performer dans un trail, par exemple. »

Les pratiques vertueuses pourraient alors s’inspirer des jeux traditionnels, coopératifs, construits comme des vecteurs de socialisation plutôt que comme des compétitions. « On retrouve dans de nombreuses coutumes autochtones, du Brésil au Pays basque, des jeux conviviaux, des courses d’orientation ou des jeux de rôle (comme une fausse traque de chasseurs contre des lapins), fondés sur l’occupation de l’espace et des pratiques collectives éthiques, ritualisées et respectueuses de l’intégrité corporelle des autres », souligne Bernard Andrieu.

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