Greenpeace, Attac, Notre affaire à tous, Oxfam… Une vingtaine d’associations appellent à voter contre le projet xénophobe, rétrograde et anti-écologique de l’extrême droite. Tout en refusant d’accorder un blanc-seing au président sortant, dont le bilan social et écologique est médiocre.
Lundi 11 avril, la gueule de bois est rude. Après avoir été largement absente des débats, l’écologie n’a pas réussi à se hisser au second tour de l’élection présidentielle. A l’annonce des résultats, nous avons d’abord ressenti le choc, comme un amer sentiment de déjà-vu. Le duel qui oppose Emmanuel Macron à Marine Le Pen n’augure rien de bon pour l’environnement : d’un côté, un président-candidat dont les rares et maigres promesses de campagne perdent toute crédibilité au vu de son bilan calamiteux. De l’autre, une candidate qui laisse craindre un danger pire encore pour l’écologie, mais aussi et surtout pour notre démocratie, nos libertés et les droits humains.
Nous sommes lucides sur la brutalité de l’action politique d’Emmanuel Macron pendant cinq ans, notamment à l’égard des populations les plus vulnérables et des mouvements sociaux et environnementaux. Nous partageons la colère légitime qui s’exprime ces jours-ci contre Emmanuel Macron. Nous entendons toutes celles et ceux qui crient haut et fort qu’il n’est pas question de rempiler pour cinq ans de plus. Nous aussi, nous sommes en colère : nous avons passé ces dernières années à dénoncer sans relâche ses nombreuses trahisons sur les enjeux environnementaux et les questions sociales. Pour autant, nous savons que nous avons une responsabilité particulière et que nous devons le dire clairement : les projets des deux finalistes ne sont pas de même nature.
Chaos climatique
Rappelons d’abord que Marine Le Pen présidente ne permettrait en rien de faire avancer la lutte contre le chaos climatique et de transformer notre modèle économique pour nous permettre de respecter l’Accord de Paris. La lecture de son programme ne laisse aucun doute : Marine Le Pen, soutenue par toute sa famille politique de l’extrême droite, déploie beaucoup d’énergie à dénoncer «l’écologie punitive», mais ne propose rien pour mettre à contribution ceux qui polluent le plus, ni pour accompagner les ménages les plus fragiles dans la transition écologique. Pire, au lieu de s’attaquer à la précarité, elle souhaite par exemple revenir sur l’obligation de rénovation des passoires thermiques.
Elle porte aussi certaines positions absurdes comme le démantèlement des éoliennes et un moratoire sur le développement de l’énergie solaire, à l’exact opposé des récentes préconisations du Giec. Elle freine la sortie des énergies fossiles et passe largement à côté de l’enjeu de biodiversité. Elle s’oppose à toutes les actions européennes pourtant indispensables à la réduction de nos émissions et passe sous silence les questions de solidarité climatique internationale.
Pas dupes
Et surtout, au-delà de l’urgence climatique qui nous inquiète, si Marine Le Pen l’emporte, notre futur, pour lequel des dizaines de milliers de jeunes ont marché encore samedi dernier, sera plus sombre. Nos libertés, notre démocratie, et l’existence même de nos organisations pourraient être remises en question. Le Rassemblement national porte un projet xénophobe, rétrograde et fondé sur le repli sur soi, à l’exact opposé des valeurs de paix, de solidarité et de justice qui nous animent. Nous ne sommes pas dupes de son effort de normalisation. Nous ne sommes pas dupes des discours bien préparés de Marine Le Pen sur les enjeux de justice sociale.
La réalité est que son programme s’inscrit complètement dans les idées politiques d’extrême droite qui ont toujours cherché à attiser les peurs, diviser la population, favoriser les intérêts des puissants, restreindre l’espace démocratique et institutionnaliser les discriminations en tout genre. Nous espérons une forte mobilisation le 24 avril pour que l’extrême droite n’arrive pas au pouvoir, car pour nos organisations, l’extrême droite, ce sera toujours : non.
Dire cela ne veut évidemment pas dire que nous accorderons un blanc-seing à Emmanuel Macron s’il est réélu : nous ne lâcherons rien ces cinq prochaines années face à la médiocrité de son action politique en matière sociale et écologique. Et parce que nous ne voulons pas perdre espoir de lendemains meilleurs, nous appelons les citoyennes et citoyens à rejoindre le mouvement pour la justice sociale et climatique. Ensemble, nous serons plus forts. Les élections législatives à venir les 12 et 19 juin seront également une échéance importante : elles seront une précieuse occasion d’élire un contre-pouvoir qui pourra permettre de porter les enjeux écologiques et sociaux dans le débat politique. Nous ne pouvons pas nous taire quand notre avenir est en jeu.
Signataires :
Greenpeace France ; ANV-COP21 ; Alternatiba ; TACA (Agir pour le climat) ; Amis de la Terre France ; Attac France ; Wecf France ; Reses (Réseau étudiant pour une société écologique et solidaire) ; Oxfam France ; Notre Affaire à Tous ; Agir pour l’Environnement ; ~ le mouvement ; makesense ; Unis pour le climat et la biodiversité ; Collectif pour un Front populaire Ecologique ; 350.org ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Bloom ; Combat Monsanto ; Ingénieurs sans frontières.
Lors de la Marche pour le climat, la justice sociale et la paix, place de la République, à Paris le 12 mars. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)