Réaction de Greenpeace France à la présentation des résultats financiers d’EDF pour l’année 2018. Publié le 15 février 2019
Le compte n’y est pas.
En 2018, EDF a provisionné seulement 21 milliards d’euros pour les charges liées à la gestion des déchets nucléaires malgré les alertes lancées par la Cour des comptes [1] et un rapport parlementaire [2] sur la faiblesse de ses provisions. En 2016, l’analyste financier AlphaValue [3] pointait déjà cette sous-évaluation et estimait à 33 milliards d’euros le trou dans les comptes d’EDF. Or, l’industrie nucléaire produit chaque année des milliers de tonnes de déchets radioactifs, dont environ 7800 tonnes de “matières” dites valorisables – qui ne seront probablement jamais réutilisées mais qui ne sont pas intégrées dans ce bilan comptable [4].
“Il manque déjà des dizaines de milliards d’euros dans les comptes d’EDF pour gérer les déchets nucléaires existants. Sans compter ceux qui continuent de s’accumuler chaque année. Pourtant EDF s’acharne à sous-estimer les coûts et les volumes de déchets à gérer. Non seulement, le compte n’y est pas mais la facture va s’alourdir et plomber un peu plus les finances d’EDF. Si l’entreprise refuse d’assumer ses responsabilités, c’est le contribuable qui paiera la facture in fine. D’ailleurs, l’Etat vient de faire un nouveau cadeau de trois milliards d’euros à EDF, renonçant une fois de plus à ses dividendes pour trois années supplémentaires afin de limiter l’augmentation de sa dette abyssale” alerte Florence de Bonnafos, chargée de campagne à Greenpeace France.
La fuite en avant continue: qui va payer la facture in fine ?
Alors que ses coûts et ses charges augmentent, EDF n’arrive pas à enrayer la crise: malgré le plan de 10 milliards d’euros de cession d’actifs, la dette brute est remontée à 69.3 milliards d’euros [5]. Entre remboursement de ses dettes, travaux lourds sur les réacteurs, pertes de parts de marché et hausse des coûts du nucléaire (dont ceux de démantèlement et de gestion des déchets notoirement sous-estimés), EDF ne s’en sort plus sans le soutien de l’Etat et des contribuables. A l’occasion du projet de restructuration annoncé pour cette année, l’Etat-actionnaire doit exiger d’EDF une réévaluation réaliste et rigoureuse de tous les coûts du programme nucléaire, à commencer par ceux liés à la gestion des déchets et des matières.
Notes aux rédactions
[1] Rapport public de la Cour des comptes, Les coûts de la filière électronucléaire, janvier 2012. https://www.ccomptes.fr/en/documents/1134
[2] Rapport de la Mission d’Information relative à la faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base, adopté le 1er février 2017 à l’Assemblée Nationale. http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4428.asp
[3] Etude AlphaValue, EDF asphyxié par le nucléaire, publiée en Novembre 2016 http://www.alphavalue.fr/secure/portal/files/AV_EDF_Greenpeace.pdf
[4] d’après l’inventaire de l’ANDRA, fin 2016, les stocks de “matières” représentaient déjà 310 000 tonnes d’uranium appauvri, 12 000 tonnes de combustibles usés non traités, 29 600 tonnes d’uranium de retraitement et environ 2200 tonnes de MOX usé ou non-utilisable. Depuis, ces quantités ont très fortement augmenté.
[5] Il s’agit de la dette brute d’EDF (qui comprend les emprunts hybrides). Fin 2017, elle était de 67 milliards d’euros.