Communiqué d'Amnesty International le 12 avril 2017
Des hommes perçus comme homosexuels sont enlevés, torturés voire même tués en toute impunité en Tchétchénie dans le cadre d’une campagne coordonnée.
Le 1er avril, le quotidien indépendant russe Novaya Gazeta a révélé que des centaines d’hommes, perçus comme étant homosexuels, avaient été enlevés en Tchétchénie. Ces hommes auraient subi des actes de torture ou d’autres mauvais traitements, et auraient été contraints de divulguer l’identité d’autres personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres de leur connaissance.
Des informations concordantes
Le journal Novaya Gazeta affirme détenir des informations vérifiées concernant au moins trois hommes qui ont été tués par leurs ravisseurs, mais les sources du journal affirment qu’un plus grand nombre de personnes auraient été tuées.
D’après des informations, certains des hommes enlevés auraient depuis été rendus à leur famille, probablement car leur orientation sexuelle n’a pas été confirmée par leurs ravisseurs. Ils restent cependant en grand danger en raison de homophobie locale.
Des membres de l’ONG Russian LGBT network ont confirmé ces informations, et ont ouvert une ligne téléphonique d’urgence pour aider les personnes qui auraient besoin de se mettre en sécurité en dehors de la région. Cependant, des avertissements anonymes circulent également sur Internet pour mettre en garde contre le fait que certaines des propositions d’aides sur Internet peuvent être utilisées par les auteurs de ces crimes pour traquer davantage de personnes LGBTI.
Un gouvernement réticent à enquêter
Les réactions des autorités tchétchènes à ces informations ont varié du déni (par exemple, d’Alvi Karimov, l’attaché de presse du président de la République), au refus de les prendre au sérieux, en passant par des menaces supplémentaires à peine voilées. Le 3 avril, Dimitri Peskov, l’attaché de presse du gouvernement russe, a annoncé que le ministère de l’Intérieur était en train de « vérifier les informations relatives à la persécution présumée d’hommes d’orientation non-traditionnelle ».
Les crimes d'honneur dans le Caucase du Nord
Les crimes d'« honneur » continuent d’être commis dans le Caucase du Nord, et particulièrement en Tchétchénie. Les hommes considérés comme ayant « sali l’honneur » de leur famille en étant gays ou perçus comme étant gays, risquent réellement d’être tués par des membres de leur propre famille. Les responsables des crimes d'« honneur » restent souvent impunis pour leurs crimes. Récemment, de nombreuses vidéos violentes menaçant des militants gays ont été publiées sur Internet.
Kheda Saratova, membre du Conseil des droits de l'homme sous l’égide du président de Tchétchénie, avait commenté dans un premier temps que la société tchétchène et « l’intégralité du système judiciaire » tchétchène traiteraient quiconque aurait tué un proche homosexuel « avec compréhension ». Elle a par la suite affirmé qu’elle avait été mal comprise et que la révélation de l’existence d’hommes gays en Tchétchénie l’avait choquée au point de ne pas pouvoir penser clairement.
Les autorités tchétchènes dirigées par Ramza Kadyrov contrôlent de fait pratiquement toutes les sphères de la société dans cette république russe du Caucase du Nord. Toute forme de dissidence est violemment réprimée et les défenseurs des droits humains, les professionnels des médias et les militants politiques, notamment ceux n'étant pas originaires de Tchétchénie, font l'objet de menaces, de harcèlement et souvent de violences physiques.
Ramza Kadyrov, président de la République de Tchétchénie depuis le 2 mars 2007