La mobilisation de ce dimanche à Mazagran montre que l'implantation de la ferme des 7 000 porcs à Leffincourt est loin d'être un fait acquis. L'enquête publique est close, et elle n'a suscité que peu de réactions localement. Mais on sait par expérience que ce type d'information et d'interrogation des citoyens est souvent délaissé, car mal connu et mal compris.
Il faut souvent une mobilisation syndicale et/ou associative pour que se mette en route un processus de compréhension, d'appropriation et de critique d’un projet.
Et c'est bien ce qui s'est passé à Leffincourt, avec une fusion des analyse critiques venant du monde agricole (la Confédération paysanne) et du monde associatif (en particulier "Nature et Avenir").
Les arguments présentés portent sur l'absence de bien-fondé d'une telle ferme usine, dont la logique économique tourne le dos à une agriculture paysanne. Du point de vue écologique, les critiques sont nombreuses, en particulier sur l'impact de l’épanchement en zone Natura 2000 et en bordure de rivière.
Sur la forme, il a été constaté l'implication de la Chambre d'Agriculture en tant qu'expert, alors que le demandeur est membre du bureau de cette instance.
Il faut également insister sur le problème de l'utilisation d'antibiotiques à large échelle dans ce type d'élevage, ce qui pose de graves problèmes qui ne sont même pas abordés dans le document fourni par le demandeur. Cette résistance des bactéries aux antibiotiques devient de plus en plus un problème majeur de santé publique. Des bactéries résistantes à tous les antibiotiques connus se rencontrent maintenant de manière régulière, et elles font même leur apparition dans notre secteur. Cela est dû à une utilisation massive et non-pertinente des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire.
Un élevage industriel de la taille de celui prévu à Leffincourt rassemble tous les critères qui peuvent faire craindre l'apparition de bactéries multirésistantes : nombre d'animaux, promiscuité, risque d’épizootie, utilisation systématique d'antibiotiques, ...
Une fois créées, ces bactéries multi-résistantes supplantent les bactéries habituelles, et peuvent facilement transmettre leur propriété à des germes à l'origine d’infections humaines.
Voici un extrait d' article du Monde daté du 18 janvier 2016 sur ce sujet.
« Les super-bactéries hantent les hôpitaux et les unités de soins intensifs du monde entier », a récemment lancé Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, qui appelle à la mobilisation. Des problèmes de plus en plus aigus sont liés à des dispersions de germes multirésistants à travers la planète. En Chine, des chercheurs ont découvert chez le porc et l’homme des bactéries porteuses d’un gène rendant inefficaces certains antibiotiques, dont la colistine, donnés en dernier recours quand les autres traitements ont échoué. Des résultats jugés « extrêmement inquiétants » par le professeur Liu Jianhua, de l’université agricole de Canton, principal auteur de l’étude publiée le 18 novembre dansThe Lancet Infectious Diseases. Pour le professeur Jarlier, la lutte contre l’antibiorésistance s’inscrit dans un combat global au même titre que la lutte contre le réchauffement climatique. Il milite ainsi pour des actions visant à réduire la contamination de l’environnement par les déchets humains et animaux, et ce au niveau mondial.