Communiqué d'Amnesty international publié le 06.11.2025 (extraits)
Depuis trois ans, la Tunisie s’enfonce dans une dérive sécuritaire et s'attaque aux droits des personnes réfugiées, demandeuses d'asile ou migrantes - en particulier des personnes noires. Torture, expulsions collectives, violences racistes... Si, malgré ces violations généralisées, l’Union européenne poursuit sa coopération en matière de migration avec les autorités tunisiennes, elle risque de se rendre complice.
Notre nouveau rapport intitulé « Personne ne vous entend quand vous criez » : le dangereux tournant de la politique migratoire en Tunisie révèle que les autorités tunisiennes ont procédé de manière ciblée, sur la base de critères raciaux, à des arrestations et des placements en détentions ; à des interceptions en mer dangereuses ; à des expulsions collectives de dizaines de milliers de personnes réfugiées et migrantes vers l’Algérie et la Libye ; et ont soumis des personnes réfugiées et migrantes à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, y compris des viols et d’autres violences sexuelles, tout en réprimant la société civile qui leur apportait une aide cruciale. Des pratiques alimentées par les discours racistes des responsables politiques. En juin 2024, les autorités tunisiennes ont ordonné au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de cesser de traiter les demandes d’asile, supprimant ainsi la seule voie permettant de demander l’asile dans le pays. Pourtant, la coopération de l’UE avec la Tunisie en matière de contrôle des migrations s’est poursuivie, sans garanties efficaces en matière de droits humains. L’UE risque ainsi de se rendre complice de violations graves et de retenir davantage de personnes dans une situation mettant leur vie et leurs droits en danger.
Notre nouveau rapport intitulé « Personne ne vous entend quand vous criez » : le dangereux tournant de la politique migratoire en Tunisie révèle que les autorités tunisiennes ont procédé de manière ciblée, sur la base de critères raciaux, à des arrestations et des placements en détentions ; à des interceptions en mer dangereuses ; à des expulsions collectives de dizaines de milliers de personnes réfugiées et migrantes vers l’Algérie et la Libye ; et ont soumis des personnes réfugiées et migrantes à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, y compris des viols et d’autres violences sexuelles, tout en réprimant la société civile qui leur apportait une aide cruciale. Des pratiques alimentées par les discours racistes des responsables politiques. En juin 2024, les autorités tunisiennes ont ordonné au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de cesser de traiter les demandes d’asile, supprimant ainsi la seule voie permettant de demander l’asile dans le pays. Pourtant, la coopération de l’UE avec la Tunisie en matière de contrôle des migrations s’est poursuivie, sans garanties efficaces en matière de droits humains. L’UE risque ainsi de se rendre complice de violations graves et de retenir davantage de personnes dans une situation mettant leur vie et leurs droits en danger.
Une crise alimentée par des discours racistes
Les témoignages recueillis révèlent l’existence d’un système de migration et d’asile conçu pour exclure et punir plutôt que pour protéger. Au moins 60 des personnes interrogées par Amnesty, dont trois enfants, deux réfugié·es et cinq demandeurs·euses d’asile, ont été arbitrairement arrêtées et placées en détention. Des réfugié·es et des migrant·es noirs ont été pris pour cible dans le cadre d’un profilage racial systémique et de vagues successives de violences racistes commises par des particuliers et les forces de sécurité et déclenchées par l’incitation publique à la haine raciale, à commencer par les propos tenus par le président Kaïs Saïed en février 2023 et repris depuis par d’autres responsables et parlementaires. La situation a été aggravée par une vague de mesures répressives visant au moins six ONG qui apportaient un soutien essentiel aux réfugié·es et aux migrant·es. Cela a eu des conséquences humanitaires terribles et a entraîné d’énormes lacunes dans l’accès aux services essentiels de protection. Depuis mai 2024, les autorités ont arrêté arbitrairement au moins huit personnes travaillant pour des ONG et deux anciens responsables locaux qui coopéraient avec elles. La prochaine audience dans le procès du personnel de l’une de ces organisations, le Conseil tunisien pour les réfugiés, est prévue pour le 24 novembre.
« On les a vus se noyer »
Nous avons enquêté sur 24 interceptions en mer et mené des entretiens avec 25 réfugié·es et migrant·es qui ont décrit le comportement très dangereux, imprudent et violent de gardes-côtes tunisiens, notamment avec des cas d’éperonnage dangereux, de manœuvres à grande vitesse menaçant de faire chavirer les bateaux, de coups portés à des personnes et à des embarcations, de tirs de gaz lacrymogène à bout portant et le refus de toute évaluation individualisée en matière de protection lors du débarquement.
(...)
Un soutien dangereux de l’UE, au prix de vies humaines
Les leçons n’ayant pas été tirées des effets dévastateurs de la coopération de l’UE avec la Libye, la coopération entre l’UE et la Tunisie en matière de contrôle des migrations s’est poursuivie et a abouti au confinement de personnes dans un pays où elles sont exposées à des violations généralisées des droits humains. Cette coopération consiste à financer les capacités de recherche et de sauvetage des gardes-côtes tunisiens et à fournir une formation et des équipements pour la gestion des frontières afin de réduire les traversées illégales vers l’Europe. L’UE a signé en juillet 2023 un protocole d’accord avec la Tunisie n’incluant pas de garanties efficaces en matière de droits humains telles qu’une évaluation préalable et transparente de l’impact sur les droits humains, un suivi indépendant des droits humains avec des procédures claires pour donner suite aux allégations de violations ou encore une clause suspensive explicite permettant de suspendre l’accord en cas de violations. La Médiatrice européenne a relevé ces lacunes dans une enquête menée en 2024. Plus de deux années se sont depuis écoulées et cette coopération se poursuit malgré des rapports alarmants et bien étayés faisant état de violations. Alors qu’elle donne la priorité au contrôle des migrations au détriment du droit international, elle a été présentée comme un succès par les responsables européens, qui ont invoqué une réduction significative depuis 2024 des arrivées par voie maritime de personnes en situation irrégulière venant de Tunisie.
Nos demandes
-Les autorités tunisiennes doivent protéger le droit d’asile et veiller à ne renvoyer personne dans des endroits où il existe un risque de graves violations des droits humains. Le personnel des ONG et les défenseur·es des droits humains détenus pour avoir aidé des personnes réfugiées et migrantes doivent être libérés sans condition.
- L’UE doit suspendre de toute urgence toute aide en matière de contrôle migratoire et de contrôle des frontières dont l’objectif est de retenir des personnes en Tunisie, et cesser de financer les forces de sécurité ou d’autres entités responsables de violations des droits humains commises contre des personnes réfugiées et migrantes.
- Au lieu de donner la priorité à l’endiguement des flux et d’alimenter les violations, la coopération entre l’UE et la Tunisie doit se concentrer sur la mise en place de mesures de protection et de procédures d’asile adéquates dans le pays, et incorporer des critères et des conditions clairs et exécutoires en matière de droits humains, afin d’éviter toute complicité dans les violations. »
