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Lettre ouverte adressée à Élisabeth Borne, Première ministre, au sujet du projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration et de la concertation le précédant

Madame la Première ministre,
Le président de la République a récemment confirmé la perspective d’un nouveau projet de loi sur l’asile et l’immigration pour début 2023. Vous avez demandé au ministère de l’Intérieur d’organiser une concertation préalable avec différents représentants de partis politiques, partenaires sociaux, associations et acteurs de la société civile.

C’est dans ce contexte que nos associations s’adressent à vous pour porter à votre connaissance plusieurs points qui nous apparaissent essentiels.

Nous souhaitons, avant toute chose, vous signifier notre inquiétude face à un énième projet de loi sur ce sujet. En trente ans, plus de vingt textes se sont succédé (le dernier ne datant que de 2018), allant dans le sens continu d’une détérioration des conditions d’accueil et des droits des personnes exilées. Quel est le sens de la poursuite d’une telle inflation législative ?

Nous voulons ensuite vous interpeller quant aux objectifs poursuivis par cette concertation et ce futur projet de loi, et vous signifier que nous ne saurions accepter une démarche fondée sur la stigmatisation et les raccourcis assimilant immigration et délinquance. Il nous semble à l’inverse que la question qui se pose aujourd’hui, dans un monde où, plus que jamais, les migrations
constituent notre réalité commune, est celle de dessiner des politiques publiques fondées sur l’accueil et la solidarité, garantissant le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes exilées.

C’est pourquoi cette concertation ne saurait être pilotée par le seul ministère de l’Intérieur mais devrait être conduite dans un cadre interministériel. Nous estimons problématique que la politique migratoire ait été réduite, au fil des années, à une dimension strictement sécuritaire. C’est aussi le sens des conclusions de la commission d’enquête parlementaire pilotée par Sébastien Nadot et Sonia Krimi, dont le rapport a été rendu public le 10 novembre 2021. La question de l’entrée et de l’accueil des personnes étrangères en France ne peut relever du seul ministère de l’Intérieur et devrait impliquer bien d’autres dimensions comme l’habitat, la santé, la scolarisation, l’éducation, la formation, le travail, la protection des plus vulnérables.

Enfin, cette concertation doit nécessairement impliquer des associations et collectifs composés en majorité de personnes exilées. Les positionnements des associations de soutien aux personnes exilées – qu’elles soient opératrices en matière d’accueil ou non – sont connus car elles sont auditionnées à l’Assemblée nationale ou au Sénat et parfois reçues à haut niveau par des membres
du pouvoir exécutif. Ces associations ont aussi accès à des plateaux de télévision et à la radio, et leurs tribunes sont publiées dans les médias. En revanche, les personnes directement concernées par les politiques migratoires sont souvent absentes de ces espaces de débat et ont du mal à se faire entendre. Elles doivent pouvoir prendre pleinement part à la construction des politiques publiques qui les concernent en premier lieu.

Telles sont les considérations, essentielles à nos yeux, que nous vous demandons de prendre en compte.

Veuillez recevoir, Madame la Première ministre, l’expression de notre haute considération.

Signataires :
Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France ; Alexandre Moreau, président d’Anafé ; Damien Carême, co-président d’ANVITA ; Aude Le Moullec Rieu, présidente d’ARDHIS ; Hélène Ramajo, présidente de Causons ; Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD–Terre solidaire ; Henry Masson, président de La Cimade ; Valérie Fayard, directrice générale par intérim d’Emmaüs France ; Christophe Robert, directeur général et porte-parole de la Fondation Abbé Pierre ; Vanina Rochiccioli, co-présidente du Groupe d’Information et de Soutien des Immigré·e·s ; Philippe Dupourqué, président de Groupe Accueil et Solidarité ; Guillaume Rossignol, directeur de JRS France ; Noémie Marchyllie, co-directrice de Kabubu ; Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Bruno Tesan, co-Fondateur de LTF ; Bchira Ben Nia, porte-parole de la Marche des Solidarités et de Coordination Sans Papiers 75 ; Dr Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde ; Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Oriane Sebillotte, co-présidente de Paris d’Exil ; Agnès Antoine, co-présidente de Tous migrants ; Yann Manzi, délégué général d’Utopia 56 ; Rudi Osman, directeur de l’Union des étudiant.es exilé.es ; Camila Rios Armas, directrice d’UniR ; Clémence Tondut, présidente de Watizat ; Flora Vidal Marron, directrice de Weavers

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