Communiqué d'Amnesty International.
Guantánamo, LE tristement célèbre centre de détention américain. Vous en avez toutes et tous déjà entendu parler, mais que s’y passe-t-il réellement ?
Créé après les attentats du 11 septembre 2001, Guantánamo est devenu le symbole des attaques des droits humains perpétrés par les États-Unis dans le cadre de sa politique de lutte contre le terrorisme.
Dès janvier 2002, les premiers transferts de prisonniers se font vers cette base militaire située à Cuba, les autorités américaines y placent des détenus déclarés « ennemis combattants ». Pourquoi à Cuba ? Car le camp se trouve loin des regards et surtout loin de la justice et des lois américaines.
Les conditions de détention
Les détenus sont coupés de tout contact extérieur et leurs familles restent sans aucune nouvelle de leurs proches. Les prisonniers y sont maintenus en isolement prolongé dans des conditions inhumaines et dégradantes, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux, sans procès équitables et soumis à des interrogatoires utilisant le plus souvent des techniques assimilables à de la torture. Les suicides, les morts, les grèves de la faim se multiplient alors. Guantánamo s’est très vite érigée en zone de non droit. Tous les détenus ont subi des mauvais traitements ou des tortures (privation de sommeil, simulation de noyage, exposition à des températures extrêmes…). Les techniques d’interrogatoire et les conditions de détention des prisonniers aux mains de la CIA restent classées hautement confidentiels par les États-Unis.
Le programme de « restitution »
Le terme « restitution » désigne les diverses pratiques par lesquelles les autorités des États-Unis transfèrent des personnes d’un pays à un autre sans respecter les procédures juridiques ou administratives comme celle de l’extradition. Ces pratiques, généralement secrètes, consistent notamment à remettre à d’autres États des personnes détenues dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » à des fins d’interrogatoire, à maintenir en détention des personnes envoyées par des autorités étrangères et à enlever des suspects en territoire étranger.Ce programme, illégal au regard des lois internationales, a été dirigé par la CIA et validé par le président Bush qui confirmera son existence en 2006.Les personnes enlevées étaient conduites dans des « sites noirs » pour y être interrogées, maltraitées, et maintenues au secret et à l’isolement le plus complet pendant des périodes pouvant aller jusqu’à 4 ans et demi. L’agence utilisait des avions loués par des sociétés privées agissant en toute légalité, pour transférer secrètement ces personnes et les disperser un peu partout dans le monde. Les plans de vol étaient fictifs. Les prisonniers, ont ensuite été, parfois relâchés, mais le plus souvent transférés à Guantánamo, lieu final privilégié de destination de ces hommes arrêtés dans le cadre de la politique américaine de guerre contre le terrorisme.
D’après Michael Scheuer, un ancien directeur de la CIA, il s’agit « d’une politique globale d’arrestation et de détention des ennemis des Etats Unis improvisée de manière hâtive ». La collecte de renseignements sur des personnes suspectées de terrorisme devient une des priorités de la CIA.
De nombreuses informations existent sur la participation de certains gouvernements européens aux programmes de « restitution » et de détentions secrètes mis en place par les États-Unis à la suite des attaques du 11 septembre sur le territoire américain. Il s’agit de : l’Allemagne, l’Italie, la Lituanie, la Macédoine, le Royaume-Uni, la Suède, la Bosnie, le Kosovo, l’Ukraine, la République Tchèque, l’Arménie, la Géorgie, la Bulgarie, la Hongrie, l’Espagne, Chypre, la Turquie, l’Irlande, le Portugal et la Grèce.
En outre, la plupart des pays européens, dont la France, ont autorisé le survol de leur territoire, les atterrissages et les décollages sur leur propre sol, de plusieurs avions employés à des restitutions par la CIA.
Le rôle de la Cour Suprême des Etats-Unis
La Cour Suprême des États-Unis, garante de la Constitution et des droits fondamentaux, ne pouvait-elle pas intervenir pour que cessent ces violations des droits humains ?En 2004, des avocats saisissent la Cour Suprême des États-Unis qui se prononce en faveur de la possibilité pour les détenus de contester leur détention devant les cours américaines fédérales de justice.Après cette décision de la Cour, il semble que les transferts se ralentissent vers Guantánamo. En revanche, le nombre de détenus augmentent dans la base aérienne américaine de Bagram, située en Afghanistan. En 2004, il y avait environ 300 détenus à Bagram et 600 à Guantánamo, en juin 2008 il n’y avait plus que 270 détenus à Guantánamo contre 600 à Bagram.En 2006, la Cour invalide le système des commissions militaires, le jugeant contraire à la constitution. Elle conclut que, au minimum, l’article 3 des Conventions de Genève est applicable aux détenus de Guantánamo, s’opposant ainsi à l'avis présidentiel de 2002. Le président Bush contourne cette décision en faisant voter par le Congrès la loi sur les Commissions Militaires quelques mois après. Cette loi rétroactive permet de maintenir et de renforcer le système mis en place dès 2001 et assure une complète impunité pour tous ceux qui ont été impliqués dans des actes de torture. Puis en juin 2008, la Cour Suprême reconnaît le droit à l’« habeas corpus » pour les prisonniers de Guantánamo. La Cour statue que les personnes détenues à Guantánamo en tant que « combattants ennemis » ont le droit de contester la légalité de leur détention devant un tribunal. La Cour déclare inconstitutionnelles les tentatives du gouvernement et du Congrès visant à priver les détenus de leur droit d’habeas corpus.