Communiqué de FNE le 21.05.2021
Allant à l’encontre des avis scientifiques, la France continue d’autoriser la pêche de la civelle, alevin de l’anguille européenne, en fixant des quotas incompatibles avec la survie de l’espèce. Si le trafic de civelles, extrêmement lucratif, est souvent pointé du doigt parmi les menaces, l’Etat lui-même porte en réalité une grande part de responsabilité. France Nature Environnement, la Fédération nationale de pêche, Nature Environnement 17 et la Fédération départementale de Charente-Maritime saisissent le Conseil d’Etat et dénoncent ces quotas de pêche dangereux.
Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer recommande de ne plus toucher à l’espèce
Si l’anguille fait face à de nombreuses menaces au cours de son cycle de vie (braconnage, obstacles dans les cours d’eau, ouvrages hydroélectriques, polluants…), il est avéré que la pêche de la civelle représente la cause de mortalité la plus importante. Tandis que le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) recommande de réduire à zéro tout impact de l’activité humaine sur l’espèce, l’Etat continue de fixer des quotas en totale contradiction avec les recommandations scientifiques : 57 tonnes de civelles peuvent être pêchées cette année, soit 170 milliards de civelles !
« Nous sommes démoralisés par ces quotas absurdes. Je pêche en loisir depuis plus de 40 ans, et j’ai constaté la désertion de l’anguille dans nos cours d’eau. Autoriser la pêche de la civelle dans de telles quantités est tout simplement aberrant. », témoigne Alain Malterre, membre d’une association de pêche et de protection du milieu aquatique en Charente-Maritime.
Si l’arbitrage réalisé par l’Etat semble être à la faveur d’intérêts économiques portés par les pêcheurs professionnels, ce n’est pourtant qu’une vision de court terme. Seule une préservation de l’espèce permettra d’assurer la pérennité des emplois qui en dépendent dans ce secteur. Face à cette situation, nos associations ont interpellé les Ministres de la Mer et de la Transition Ecologique. Leur silence nous contraint aujourd’hui à saisir la justice pour que la règlementation européenne exigeant la reconstitution du stock de l’espèce soit enfin prise en compte.
Une espèce en danger critique d’extinction
L’anguille européenne est un poisson au cycle biologique atypique, caractérisé par plusieurs phases : vivant en eau douce mais se reproduisant dans la région de la mer des Sargasses, les larves arrivent principalement en automne-hiver sur la côte Atlantique sous forme de « civelles », anguilles de moins de douze centimètres transparentes destinées à coloniser les bassins versants.
Si elle était autrefois abondante, l’anguille européenne a vu sa population s’effondrer à partir des années 1980 : en France, les arrivées de civelles pour l’année 2019 représentaient seulement 5 % des effectifs observés 30 ans plus tôt. Depuis 2008, l’anguille européenne est classée « en danger critique d’extinction » en France et dans le monde, soit le dernier stade avant le classement « espèce considérée comme éteinte à l’état sauvage ».
Prenant la mesure de l’urgence, le Conseil de l’Union Européenne a adopté en 2007 un règlement instituant des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes. En application de ce règlement, la France a instauré un système de quotas pour la pêche de la civelle. Depuis 10 ans, deux arrêtés ministériels fixent la quantité de civelles autorisée à être pêchée en mer et en eau douce. Ce sont ces quotas que nous contestons aujourd’hui.