2021 marque l’année européenne du rail, l’occasion de se pencher sur la relance des trains longue distance, comme alternative concrète et réaliste à l’avion. Malgré les difficultés techniques, il est possible d’initier dès 2021 un réseau européen efficace de jour comme de nuit. Même s’il n’a pas vocation à remplacer toutes les liaisons aériennes, France Nature Environnement affirme au travers de deux rapports publiés aujourd’hui, que le train peut devenir l’option « par défaut » pour une grande partie de nos déplacements en Europe.
Un exemple de réseau européen longue distance : le Trans Europ Express 2.0
Le ministère allemand des Transports a proposé, en septembre 2020, une vision pour les trains longue distance en Europe, baptisé Trans Europ Express 2.0, en hommage à l’ancien réseau de trains qui parcourait l 'Europe jusque dans les années 80. Le réseau se composerait de 4 lignes diurnes et de 8 lignes de trains de nuit.
Sans nécessiter de nouvelles infrastructures importantes, le TEE 2.0 pourrait relier plusieurs villes européennes sans changement de train, permettant ainsi aux voyageurs de gagner en temps et en confort.
Même si le temps de trajet total reste important (13h15 de trajet par exemple pour un Paris-Varsovie), l’intérêt repose également sur le raccourcissement des temps de trajet entre les villes intermédiaires et sur la possibilité d’emprunter des trains de nuit sans correspondances. Si certaines routes méritent d’être étudiées plus en profondeur, d’autres pourraient être lancées à très brève échéance (fin 2021). Un Paris-Berlin de nuit serait par exemple possible avec un départ de Paris à 21h30 et une arrivée à Berlin à 7h45.
Pourquoi ce n’est pas déjà fait ?
Les obstacles techniques sont réels : chaque pays, au fil du temps, a adopté des standards techniques, des normes de sécurité qui lui sont propres. L’écartement standard des rails en Espagne et au Portugal est par exemple différent de celui du reste de l’Europe. L’alimentation électrique, la hauteur des quais, etc. varient souvent d’un pays à l’autre. Mais chaque problème technique dispose déjà d’une solution éprouvée.
Les freins principaux sont d’ordre politique et organisationnels. La difficulté du gouvernement français à prendre le train au sérieux lors du plan de relance ou du projet de loi Climat ralentit la réalisation d’un réseau européen performant. À l’échelle européenne, l’Agence Européenne du Rail pourrait se voir confier pour mission de désigner les routes les plus pertinentes, ainsi que la viabilité financière des différentes sections pour déterminer les besoins en aides publiques nationales ou européennes.
Enfin, si on ne remet pas en cause la fiscalité injuste dont bénéficie l’aviation et qui lui permet d’être moins chère que le train, ce dernier n’a que peu de chances de devenir l’option par défaut pour une majorité d’Européens.
Pas besoin de méga-projets : les infrastructures existent.
La France n’a pas besoin de nouveaux méga-projets pour contribuer à l’émergence d’un réseau européen : les infrastructures existent déjà mais elles ne sont pas toujours utilisées à leur plein potentiel. L’enjeu est d’identifier les points les plus pertinents pour y consacrer les travaux de réhabilitation ponctuels nécessaires. Un rapport européen de 2018 identifie par exemple 9 connexions transfrontalières entre la France et ses voisins, qui pourraient grandement bénéficier d’une intervention adaptée. L’orientation actuelle de la France et de la SNCF vers les « trains du quotidien » doit être saluée et poursuivie. En concentrant les fonds disponibles sur l’entretien de l’existant et quelques projets ciblés, la France peut à la fois contribuer à la constitution d’un réseau européen et à la montée en qualité des trains domestiques.
Faciliter les réservations des voyages en train
Alors qu’une réservation de billet d’avion se fait en quelques clics sur internet, réserver un billet de train international peut s’avérer extrêmement compliqué. Par exemple, une recherche pour un trajet Paris-Madrid donnera des résultats très différents en fonction de la plateforme sur laquelle vous l’effectuez. En cause, les opérateurs ferroviaires qui sont souvent réticents à partager leurs données pour permettre à d’autres compagnies ou à des plateformes de réservation de proposer des trajets internationaux.
De la même manière et contrairement à l’avion, il n’existe aucune garantie pour les voyageurs empruntant plusieurs compagnies différentes : si l’une des étapes connaît du retard, le voyageur n’est pas assuré « de bout en bout » et doit payer un nouveau billet à ses frais. La balle est dans le camp de l’Union européenne, avec la révision du règlement européen 1371/2007 sur les droits des voyageurs ferroviaires.
Investir dans du matériel roulant pour le train de nuit
Avec une distance d’au moins 1 000 km par nuit, le potentiel de report modal de l’avion vers le train de nuit est considérable. Pourtant la France, à l’image de ses voisins européens, a progressivement délaissé le train de nuit.
Les signaux sur la relance des trains de nuit semblent néanmoins positifs : la France s’est engagée à relancer deux liaisons nocturnes et les ministres des Transports français, allemand et autrichien ainsi que la présidente de la Confédération suisse ont annoncé, lors d’une conférence en décembre 2020, vouloir relancer conjointement les trains de nuit en Europe.
Le principal enjeu sera de proposer une offre de wagons et d’équipements en gare suffisamment confortables pour inciter un maximum de personnes à les emprunter. 150 millions d’euros/an sont nécessaires pour permettre une véritable relance des trains de nuit en Europe.
La proposition du réseau TEE 2.0 (trains de nuit)