Passer de la parole aux actes : la justice doit trancher
D’autres dossiers relatifs à la répression du bois illégal sont en cours devant les tribunaux français et susceptibles de permettre un passage des paroles aux actes.
Le 3 mars 2013, un règlement européen historique pour l’environnement et les forêts de la planète entrait en vigueur. Ce Règlement sur le Bois de l’Union Européenne est le fruit d’une campagne de plus de dix ans de la part d’ONG comme Greenpeace : il doit aujourd’hui être appliqué dans tous les pays de l’Union. En 2015, afin de ne pas perdre plus de temps et de garantir la poursuite par la France de la mise en oeuvre de ce RBUE, Greenpeace décidait d’écrire officiellement à la Commission européenne pour l’avertir des manquements de la France en matière d’application du règlement.
En octobre 2014, huit activistes de Greenpeace procédaient à une mise sous scellés symbolique de bois brésilien et congolais sur le port de La Rochelle (La Pallice) en Charente Maritime. Il s’agit de bois illégaux ou suspectés d’illégalité. Par cette action, les militants dénonçaient l’inaction des autorités françaises et l’attitude des importateurs, qui n’avaient rien changé à leurs habitudes à l’égard de pays et des fournisseurs à très haut risque d’illégalité.
Dans cette ville de La Rochelle – plateforme internationale du bois – Greenpeace France a déposé une plainte avec constitution de partie civile début 2016 notamment pour délit de manquement à l’obligation de « diligence raisonnée » de certains importateurs de bois français depuis les concessions COTREFOR de la République démocratique du Congo (RDC). Cette infraction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, montant pouvant être quintuplé pour les entreprises (article 76 de la loi n°2014-1170).
Il leur est reproché de ne pas avoir pris toutes les précautions nécessaires dans le cadre de ces importations dont la traçabilité est insuffisante s’agissant d’un pays d’origine « à risques » notamment au regard de son indice de corruption élevé.
En décembre 2017, l’avocate de Greenpeace France a demandé au juge d’instruction en charge du dossier l’audition des dirigeants d’entreprises françaises dont notamment PELTIER, F. JAMMES, ANGOT BOIS, ABEX et TROPICAL WOOD TRADING afin qu’ils s’expliquent sur les faits reprochés.
Certaines d’entre elles ont été contrôlées par l’autorité administrative, le ministère de l’Agriculture et l’Alimentation (MAA). Cependant, ces inspections, censées être réalisées « sans avertissement préalable » à l’entreprise mais qui en pratique est parfois prévenue à l’avance, concluant au respect des exigences réglementaires ne paraissent pas fondées. Déjà en 2016, Greenpeace France alertait sur l’incohérence des premiers contrôles relevant des manquements sans que cela ne soit suivi d’effets.
Ainsi, les contrôleurs environnementaux constatent des faits tels que : l’absence de documents justificatifs, l’absence de traçabilité fiscale, l’insuffisance de la gestion des risques de l’entreprise face au niveau de corruption élevé du pays fournisseur (RDC et République centrafricaine) et l’absence de suivi des approvisionnements… tout en constatant que le système de gestion des risques de l’entreprise est correct. Autre élément particulièrement grave : l’absence de référence des importations des concessions COTREFOR de RDC alors que la partie civile démontre via des manifestes portuaires lesdites importations.
En conséquence, il faut que les juridictions répressives françaises se saisissent de ces sujets, que des investigations efficaces soient menées et que des décisions fortes soient prises. Seuls ces actes permettront d’envoyer un signal d’alarme dans le secteur tant en France que dans les pays exportateurs.