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"La Vague" aux Tourelles



Les Dimanche 21 et lundi 22 Juin, le film  en V.O.du réalisateur allemand Dennis Gansel intitulé "Die Welle"  ou "La vague" est présenté au cinéma Les Tourelles.

A l'occasion d'une semaine thématique organisé dans un lycée, un professeur anime un atelier sur le thème de "l'autocratie" c'est à dire sur la dictature d'un groupe sur une société. Pour rendre attrayant et compréhensible par tous les élèves inscrits à cet atelier  ce thème encore abstrait pour la plupart d'entre eux, le professeur met en pratique au sein même du groupe les principes de base d'installation d'une dictature. Il lance ainsi une mécanique infernale baptisée "La vague" qui va tous les submerger et même faire des ravages bien au delà de l'atelier thématique. L'issue est dramatique.
Le film est très efficace. Il bouleverse le spectateur et surtout le conduit à se questionner sur la fragilité d'une communauté humaine  qui , manipulée ,peut adopter des valeurs fascistes et les comportements qui en découlent. Si vous avez l'opportunité d'aller voir ce film, ne la manquez pas.



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Commentaires

  • Je pense que votre définition de l'autocratie, "la dictature d'un groupe sur une société", n'est pas juste. Elle correspond plutôt à la définition d'une oligarchie. Une autocratie est une forme de gouvernement où le souverain exerce un pouvoir absolu et dans laquelle il justifie sa légitimité par le simple fait d'exister.
    Sinon excellent film qui effectivement nous démontre que nos sociétés apaisées et démocratisées sont fragiles.

  • Ce mot autocratie me rappelle un mauvais souvenir et je garde la définition de ce mot bien en tête

    Un jour l'EX directeur de l'hôpital a déclaré aux représentants du personnel en pleine réunion des instances qu'il était pour l'AUTOCRATIE

    J'avais très bien compris mais j'avais cherché une définition de ce mot :

    L'autocratie est un régime politique dans lequel le souverain tire ses pouvoirs et sa légitimité de lui même.

    Son autorité ne connait aucune limitation .

    L'autocratie est une forme de totalitarisme avec un pouvoir absolu et personnel.

  • Bonjour,
    Je viens de voir ce film qui présente beaucoup d'intérêts, met en évidence la dangerosité de comportements anodins (la banalité du mal n'est pas loin), la maléabilité des adolescents, la recherche du prestige, etc. Tout cela dans un monde dans lequel une jeunesse oisive et plus où moins inconsciente cherche de solides repères pour construire son avenir, mais aussi cherche désespérément à être protégée, et avant tout d'elle-même.
    Ma fille (13 ans) a eu comme première réaction : « ça fait peur ». Elle a compris le message. En ce qui concerne la politique la peur permet peut-être d'éviter le danger parce qu'elle contribue à une forme de prise de conscience (je reste prudent, c'est une hypothèse).
    Peur de quoi ?
    Peur de l'autocratie.
    Et c'est ce qui semble faire ici débat, aussi vais-je me permettre d'ajouter modestement ma petite pierre à l'édifice.
    Mot curieux qui a été choisi par le réalisateur (je n'ai pas lu le livre -Todd Strasser 1981 qui relate des événements californiens de 1970) : autocratie.
    Evidence le terme vient du grec, heauto + kratein = soi-même + diriger, gouverner, conduire
    Le pouvoir d'un seul étant la monarchie.
    Interrogeons la différence entre kratein et arché
    Si le kratein signifie le pouvoir de conduire et de diriger, l'arché lui est supérieure car elle désigne non seulement le pouvoir, mais aussi des principes et des principes anciens (archéo). Commander au nom de l'arché, c'est commander au nom de principes qui dépassent celui qui commande même si celui qui commande peut avoir une fâcheuse tendance à l'absolutisme. Quoiqu'on dise Louis XIV ne fut pas exactement un tyran, il ne prend pas le pouvoir tout seul, il ne fait pas de coup d'état, le trône lui revient de droit divin au nom d'une tradition dont il est l'héritier et dont il s'emploie à être le passeur, il n'est pas l'origine du pouvoir, ni le propriétaire du pouvoir. Il a un ministère.
    L'anarchie c'est l'absence de principe et de pouvoir mais ce n'est pas l'absence de direction, de gouvernement. Cela revient à dire qu'on peut se gouverner sans pouvoir (c'est l'excellente thèse de Pierre Clastres sur la société contre l'Etat).
    Dans l'histoire le premier prince à porter le nom d'Autocrator fut Justinien (527-565). Cet empereur de l'empire romain d'Orient, après la chute de Rome aux mains des barbares (476) entend rétablir l'empire ou du moins l'unité méditerranéenne. Ses modèles : César, Auguste, Constantin. Il fallu à Justinien déplacer des montagnes pour envoyer ses armées partout en méditerranée, et s'octroyer des pouvoirs considérables pour tenter de gouverner cet empire trop vaste : un code (qui porte son nom) donc le pouvoir législatif, le pouvoir militaire, le pouvoir exécutifs, le pouvoir de dire la justice, et aussi le pouvoir sacerdotal. Ce n'est pas Dieu qui choisit l'Empereur comme ministre, mais c'est empereur qui par ses exploits, son mérite personnel, sa nature exceptionnelle se permet de pouvoir gouverner selon ce que Dieu voudrait. Encore l'héritage de l'Empire, mais l'Empire était toujours sous le signe de l'SPQR : le Sénat et le Peuple de Rome. L'Empereur devait faire avec des contre-pouvoirs (la puissance tribunitienne de la plèbe, l'ordre équestre, le sénat, etc.) et à partir d'un moment il y eut deux empereurs, un César et un Auguste, puis il y eut deux empereurs pour chaque partie de l'empire... bref, tout cela se termine en bazar, on invente un Dieu au ciel pour régler les problèmes terrestres parce que les hommes n'y parviennent plus.
    Chez Justinien, pas de contre pouvoir, pas de partage de pouvoir. Il a tous les pouvoirs et c'est lui qui se les aie octroyés il peut donc tout diriger. Voilà pourquoi autocrator, autocrator qui conduit à pancrator.

    La deuxième autocratie est la Sainte Russie des Tsars. Tsar vient de Czar, même un enfant y voit le César. Nicolas II fut le dernier Tsar de toutes les Russies, Empereur, Autocrate et Basileus. Pierre Ier change le nom de Tsar en Imperator pour faire plus romain et transformer Moscou en troisième Rome (on a les rêves qu'on peut), il reprend le terme de Basileus pour faire empereur byzantin, et d'Autocrator pour signaler qu'il ne doit son autorité à nul autre que lui (si ce n'est à Dieu), il est sacré par le Metropolite (Patriarche – celui qui détient l'autorité des pères) de Moscou.

    J'ai sans douté été long, mais ce que révèle ce regard c'est que l'autocratie n'est pas le fascisme ou le nazisme ou même le totalitarisme, notamment parce que ni les byzantins ni les russes ne prétendaient régénérer le monde, purifier une race, inventer un homme nouveau. Bref toute la quincaillerie morbide et mortifère du IIIe Reich. Mais surtout, il était hors de questions d'élaborer une société sans classe, le pouvoir est avant tout un pouvoir de classe, de caste, d'ordre. Un paysan ne commande pas, un paysan vaut moins qu'un prince. C'est sur cette séparation, sur cette ségrégation même que repose le pouvoir des Césars, sur une chevalerie qui va être la matrice de la noblesse médiévale.
    Il faudrait, pour plus de précisions lire Hannah Arendt : « La crise de la culture », le célèbre « Eichman à Jérusalem » et surtout « Le système totalitaire ».

    Cependant, le film insiste bien sur les procédures, des dispositifs d'enrégimentement d'une efficacité redoutable auprès de la jeunesse. (dans le film des élèves de terminale, puis leur petits frères sans doute au collège). Les vieux (grands frères, parents, profs) restent en dehors de l'expérience, représentent un vieux monde décadent (le vieux punk ravagé par la drogue, l'alcool et la vérole, chef d'une bande de zonards crasseux ; la mère qui rentre avec son amant plus jeune qu'elle et qui a certainement l'âge de son fils, qui assiste à la scène ; les parents bobos qui donnent une éducation permissive à leurs enfants ; les professeurs prisonniers de leurs principes et de leurs habitudes universitaires qui ennuient leurs élèves qui fuient leurs cours, les parents absents qui ne font pas attention à leurs enfants, etc.

    Les totalitarismes sont des mouvements de jeunes avec idéalisation de la force physique, de la puissance vitale (bia / bio en grec la force musculaire, le muscle qui donne, en passant par le latin violence). Le noyau dur de la vague est constitué par les membres d'une équipe de Water Polo.

    Il y a une mystique de la nature très importante dans le totalitarisme nazi. On trouve ici des traces de romantisme, une passion pour les forces élémentaires de la nature, ici l'eau (si le film se nomme la vague, ce n'est pas pour rien). Il y a deux eaux, l'eau de la piscine, chaude pleine de jeunes hommes qui déploient les forces de leur jeune corps (liquide amniotique, matrice d'hommes nouveaux à naître) et l'eau de la rivière (ou lac) où la péniche de Wenger est amarrée. Cette eau est froide (la température de 16° est précisée dans un dialogue), Wenger y nage seul, tous les matins. Une eau vivifiante pour régénérer, réveiller, purifier son vieux corps et lui donner l'énergie nécessaire pour aider la piscine à accoucher de nouveaux corps, pour aider la société à accoucher de nouveaux sujets.

    Les totalitarismes sont des sociétés sans classe, sans distinction individuelle.
    Les totalitarismes sont des sociétés paranoïaques qui ne peuvent tirer leur force que d'une lutte permanente contre des ennemis imaginaires ou créés sur mesure (bouc-emissaires), ici les élèves du cours sur l'anarchie et les Punks. Puis les dissidents, les minoritaires qui par leur refus deviennent une menace. Karo rappelle qu'on peut s'habiller avec un chemisier rouge, sa copine quitte le cours. Les dissidents sont la preuve qu'un autre monde est toujours possible donc que le système totalitaire n'est pas total, puisque quelque chose d'autre, d'étrange, d'imprévu (la liberté) lui échappe toujours. Le dissident refusant l'égalitarisme absolu de la société sans classe passe pour un égoïste bourgeois. Donc c'est lui le méchant, l'éliminer est juste. Il est une menace, un danger pour l'intégrité du groupe.

    Les totalitarismes refusent le temps.
    C'est bien ce qui se passe. Ce qui a commencé ne saurait être arrété.

    Mais ce qui est le plus saisissant, c'est cette façon de montrer comment cette jeunesse finalement si inconsistante, si inconséquente (jeux vidéo, défonce, alcool, sexe) et apparemment si libertaire (babacool, skaters, punk) et si individualiste consommatrice (le cocktail habituel : converse, portable, slim, internet) se jette sur le discours de l'enseignant, participe à un jeu, se prend à son propre jeu et met toute sa fougue, sa capacité d'adiction au service de l'entreprise fascisante en cours, sans esprit critique.
    Saisissant aussi la capacité de récupération des marges (le pauvre Tim mal dans sa peau, moqué par les autres), des déclassés, des « sans amis » (ceux à qui on ne donne pas son n° de portable) qui intègrent avec zèle le groupe dans lequel ils ont l'impression de pouvoir devenir quelqu'un parce que dans le groupe personne ne compte, puisque c'est le groupe qui compte. Classique dialectique.

    Ce qui est un peu court, me semble-t-il dans le film c'est la manière dont on sort de l'expérience. L'expérience est politique et c'est la vie privée (l'amour mis en échec) qui permet à la fois à Marco et à Wenger de se rendre compte de la dangerosité du processus. Finalement, l'amour prend le dessus, c'est un peu court pour nous sortir du fascisme. Dans ce cas, celui qui n'a pas d'amour ne peut pas, et donc ne veut pas en sortir. Et c'est ce qui arrive. Ce qui au final réduit les nazis à une bande de frustrés.
    Merci de m'avoir lu.

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