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loi confortant le respect des principes de la république

  • Amnesty International exprime ses préoccupations concernant le projet de loi confortant le respect des principes de la République

    Publié le 29.03.2021

    Le projet de loi confortant le respect des principes de la République a été approuvé en Conseil des ministres et transmis aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat le 9 décembre 2020. Son examen par une commission spéciale a débuté en janvier 2021. Le texte fait l’objet d’une procédure accélérée. Il a été adopté en première lecture le 16 février par l’Assemblée nationale. Le Sénat discutera du projet de loi en séance publique à partir du 30 mars.

    Le projet de loi soulève des préoccupations concernant le respect des droits à la liberté d’association et d’expression ainsi que du principe de non-discrimination.

    Droit à la liberté d’association

    L’article 6 précise que toute association sollicitant une subvention auprès de l’État ou d'une collectivité territoriale devra signer un contrat d’engagement républicain. Toute subvention peut être refusée à toute association poursuivant des activités qui ne sont pas compatibles avec ce contrat. Si le contrat est rompu suite à l’octroi d’une subvention, ses responsables devront rembourser ladite subvention. Un décret en Conseil d’État devra déterminer le contenu de ce contrat, ainsi que les conditions de ce remboursement. Par ce contrat, les associations s’engageront « à respecter les principes de liberté, d’égalité, , de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine ainsi qu’à respecter l’ordre public, les exigences minimales de la vie en société et les symboles fondamentaux de la République ». Le but de cette disposition est de s’assurer que les moyens mis à disposition des associations soient employés dans le respect des principes républicains que sont la liberté, l’égalité, la fraternité, le respect de la dignité de la personne humaine et la sauvegarde de l’ordre public, qui seront déclinés dans un contrat d’engagement républicain. Le droit international et européen relatif aux droits humains permet aux États de restreindre le droit à la liberté d’association pour protéger, entre autres, l’ordre public et les droits d’autrui. Toute restriction doit être néanmoins nécessaire et proportionnée au but recherché et doit être mise en œuvre en respectant le principe de non-discrimination. Les règles concernant le financement des associations peuvent avoir un impact négatif sur le droit à la liberté d’association. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association a souligné que « Le droit à la liberté d’association s’étend de la création à la dissolution d’une association et englobe les droits de constituer une association et d’y adhérer, de fonctionner librement à l’abri de toute ingérence, d’accéder aux modes de financement et aux ressources, et de participer à la conduite des affaires publiques ».

    En juin 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a d’ailleurs conclu que les règles relatives au financement des organisations par des personnes vivant à l'étranger limitaient le droit à la liberté d'association en Hongrie d’une manière disproportionnée. Nous appelons les États à octroyer les fonds d’une manière non discriminatoire et veiller à ce que les organisations dont les opinions divergent de celles du gouvernement et qui œuvrent en faveur des droits des groupes marginalisés bénéficient des mêmes chances d’obtenir des financements que les organisations se conformant aux politiques gouvernementales. Conditionner l’octroi de subventions au « respect de l’ordre public » peut être particulièrement problématique, ce principe pouvant faire l’objet d’une interprétation très large. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le contenu du contrat d’engagement républicain, non explicité dans le texte, fera l’objet d’un décret en Conseil D’État. Il est à noter que le contenu des principes mentionnés et leur interprétation sont parfois incertains.

    Les principes de Syracuse concernant les limitations et dérogations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui protège le droit à la liberté d’association, conçoit l’ordre public comme l’ensemble des principes qui assurent le fonctionnement d’une société, les droits humains faisant partie de ces principes. Certaines lois françaises sont problématiques au regard du droit international des droits humains ; celles-ci incluent par exemple le délit d’outrage ou le délit d’apologie du terrorisme, dont les définitions vagues et larges comportent un risque d’atteinte aux droits humains. La contestation pacifique de ces lois ne doit donc pas être considérée comme une menace à l’ordre public qui justifierait le retrait des subventions publiques. Par ailleurs conditionner l’octroi de subventions publiques au respect des « symboles fondamentaux de la République » comme par exemple le drapeau ou l’hymne national constitue une restriction illégale du droit à la liberté d’expression. La Cour européenne des droits de l’homme a maintes fois réitéré que le droit à la liberté d’expression couvre également les formes d’expression dérangeantes, choquantes ou offensantes. Par exemple dans l’affaire Taulats et Capellera contre l’Espagne, la Cour européenne a jugé que L’État espagnol avait violé le droit à la liberté d’expression en condamnant deux personnes qui avaient brulé l’image du roi et de la reine pendant une manifestation. Le non-respect des « symboles fondamentaux de la République » est couvert par le droit à la liberté d’expression et ne doit pas faire l’objet de sanctions, y compris le retrait de subventions.

    Nous rejoignons les préoccupations du Défenseur des droits qui rappelle que des sanctions à l’égard des associations sont déjà prévues lorsqu’elles ne respectent pas la loi et considère que l’article 6 du projet de loi placerait « les associations dans une position où il ne leur est plus simplement demandé de ne pas commettre d’infraction, mais aussi de s’engager positivement et explicitement, dans leurs finalités comme dans leur organisation, sur des principes qui sont ceux de la puissance publique » ce qui comporterait le risque « de dénaturer en partie le statut des associations, qui sont des tiers essentiels entre le citoyen et la puissance publique ». Au regard des préoccupations concernant les atteintes au droit à la liberté d’association, nous demandons l’abandon de l’article 6.

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