Salil Shetty (secrétaire général d’Amnesty International) a rencontré le 9 septembre Idil Eser, directrice d’Amnesty International Turquie, actuellement emprisonnée. Il nous raconte son entrevue.
Alors que j’avançais, j'avais une conscience aiguë de la présence, dans les tours de guet au-dessus de moi, des gardiens armés qui suivaient chacun de mes pas. J'étais en route pour rencontrer ma collègue et amie Idil Eser, dans la section la plus sécurisée de la prison la plus sécurisée de Turquie. Idil, directrice d'Amnesty International Turquie, a été arrêtée en même temps que neuf autres défenseurs des droits humains, sur la base d’accusations absurdes de terrorisme, il y a plus de deux mois. Aussi incroyable que cela puisse paraître, mis à part ses avocats, qui la voient une heure par semaine, et un député, je serai le premier visiteur d'Idil.
En raison des dispositions qui limitent aux membres de la famille immédiate les visites aux personnes emprisonnées en application de l’état d'urgence, Idil a été entièrement coupée de ses amis ; or, elle n'a plus de famille proche.
J'avais tenté de rendre visite à Idil dès mon arrivée en Turquie, quelques jours plus tôt, mais une fois aux portes de la prison, je m’étais vu refuser l’accès à l’établissement. Après avoir rencontré à Ankara le ministre de la Justice, Abdülhamit Gül, et sollicité à nouveau une autorisation de visite, j’ai enfin pu la voir.
De toutes les prisons du monde où je me suis rendu, celle de Silivri – le plus grand établissement pénitentiaire d’Europe – est la plus sophistiquée et la plus intimidante. Après être passé par son imposante entrée et avoir été soumis par des gardiens courtois à une fouille corporelle, à des détecteurs de métaux et à un scan de l'iris, je me suis retrouvé dans une immense ville de béton.