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La surveillance par reconnaissance faciale doit rester une ligne rouge

Tribune publiée par Amnesty International le 30.05.2025

Alors que des responsables politiques français affichent leur volonté de recourir à la reconnaissance faciale, Katia Roux, notre spécialiste technologie et droits humains, alerte sur les dangers d’une telle utilisation.

Longtemps, la reconnaissance faciale est restée une ligne rouge en France. Même les plus technophiles de nos responsables politiques considéraient ces outils comme une limite à ne pas franchir au nom des libertés. Ce consensus a vécu. De récentes prises de parole de ministres et d’élus municipaux préparent le terrain et les esprits à l’utilisation de technologies très intrusives.

Le 7 mars, le ministre des transports, Philippe Tabarot, a ainsi pu dire, sur Sud Radio, être « en phase » avec Martine Vassal, présidente (divers droite) de la Métropole Aix-Marseille-Provence, lorsqu’elle propose de généraliser la reconnaissance faciale dans les transports marseillais. Quand, en 2022, Gérald Darmanin [alors ministre de l’intérieur] affirmait devant le Sénat être opposé à la reconnaissance faciale, il s’agissait sans doute de rassurer. Mais, pour le ministre de la justice, les inquiétudes d’hier relèvent aujourd’hui d’une « paranoïa sur la technologie », a-t-il estimé, le 4 mai, dans une vidéo en ligne du média Legend. Il considère que la reconnaissance faciale est devenue facile, rapide, et surtout nécessaire pour garantir la sécurité, sans prendre la peine de préciser les différentes finalités de ces outils. Or, il faut être précis.

La reconnaissance faciale à des fins d’authentification vise à confirmer l’identité d’une personne, à vérifier qu’elle est bien celle qu’elle prétend être. Ces outils sont déjà utilisés en France pour déverrouiller son téléphone portable ou passer un portique d’aéroport, par exemple. Des usages, a priori, peu risqués pour les droits humains.

La reconnaissance faciale à des fins d’identification vise, elle, à repérer une personne parmi une foule. Elle devient dès lors un outil permettant la surveillance de masse et le ciblage de certains groupes de la population, comme les militants de Black Lives Matter, à New York, les femmes non voilées en Iran, ou les personnes souhaitant participer aux marches des fiertés en Hongrie. « Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez rien à craindre. » C’est ce que répètent à loisir nos dirigeants. Il y a au contraire beaucoup à craindre si la reconnaissance faciale était utilisée demain dans l’espace public en France. Etre identifiable partout et à tout moment risque de conduire à une modification des comportements pour correspondre aux critères de nos dirigeants du moment. Si ceux-ci décident d’interdire abusivement des manifestations ou de criminaliser des militants pacifiques, la reconnaissance faciale leur fournira les moyens de leur répression. Loin de prévenir la criminalité, l’effet dissuasif de ces technologies risque avant tout de mener à l’autocensure et au non-exercice de nos droits. La normalisation des comportements, induite par la reconnaissance faciale, menace l’expression pacifique de nos opinions, de nos convictions, de notre identité personnelle.

Aujourd’hui sujets détenteurs de droits, nous risquons de devenir demain des objets de surveillance, voire d’accepter de nous priver de ces mêmes droits, de peur d’être contrôlés.

Danger pour les droits fondamentaux

Comment les autorités peuvent-elles faire accepter un tel renoncement ? Par étapes, en grignotant petit à petit nos libertés, en jouant sur des peurs légitimes et en dénigrant toute approche technocritique. Depuis dix ans, les pouvoirs de surveillance de la police ne cessent d’augmenter. Le « sentiment d’insécurité » aussi, si l’on en croit nos dirigeants. Et pour cause, ils s’attaquent aux symptômes et ignorent largement les causes. En lieu et place d’espaces sûrs et favorables à l’expression de tous et de toutes, se dessine une société de surveillance et de contrôle. Que nous restera-t-il lorsque les espaces d’expression libre et critique seront verrouillés ? « Un sentiment de sécurité » ?

Quelles que soient la voie empruntée ou les raisons invoquées pour justifier son utilisation, la reconnaissance faciale à des fins d’identification représente un danger pour nos droits fondamentaux. Une ligne rouge donc, qui doit se matérialiser par son interdiction dans la loi. Toutes les forces politiques doivent au plus vite œuvrer en ce sens, pour préserver nos libertés fondamentales, pour éviter le point de bascule.

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