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Le Sahara selon Macron

Éditorial, du Monde Diplomatique de septembre 2024 par Akram Belkaïd  

En décidant, le 30 juillet dernier, de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental par un simple courrier adressé au roi Mohammed VI, M. Emmanuel Macron ne s’est pas simplement affranchi du droit international, il a mis aussi à mal l’équilibre fragile des relations franco-algériennes.

Dans sa missive au souverain chérifien, le président français a indiqué que le plan d’autonomie du Sahara défendu depuis 2007 par Rabat est la « seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ». Comme à son habitude, le locataire de l’Élysée ne craint pas les contradictions car les Nations unies considèrent à l’inverse que ce territoire est « non autonome » et que sa décolonisation doit être achevée par le biais d’un référendum d’autodétermination des populations locales.

Cette consultation électorale, à supposer qu’elle se tienne un jour, pourrait déboucher sur l’indépendance que revendique le Front Polisario. Or, selon M. Macron, « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine  ». La reconnaissance de la « marocanité » de l’ancienne colonie espagnole — une première pour un président français — ravit les autorités marocaines, qui exigeaient depuis longtemps un tel engagement.

Le choix français n’est pas dénué de motivations. Paris met notamment fin à une brouille de plusieurs années avec le royaume, dont l’influence économique et diplomatique en Afrique subsaharienne lui sera précieuse après sa série de revers au Sahel. Mais ce choix stratégique révulse l’Algérie, le principal soutien du Polisario. Pour avoir adopté le point de vue marocain en 2022, l’Espagne a subi de multiples représailles économiques et provoqué la rupture du traité d’amitié et de coopération algéro-espagnol.

Qu’en sera-t-il pour la France ? Alger a d’ores et déjà rappelé son ambassadeur — pour la troisième fois en trois ans —, et il est vraisemblable que la visite d’État en France que s’apprêtait à faire à l’automne M. Abdelmadjid Tebboune n’aura pas lieu. Si la réélection, le 7 septembre, du président algérien fait peu de doute, on le voit mal se déplacer à Paris après avoir essuyé un tel affront sauf à mettre en scène une énième réconciliation. Des dossiers bilatéraux comme la coopération en matière d’immigration, les droits des binationaux, l’amélioration des conditions de vie des chibanis ou le travail mémoriel commun attendront. Le temps où les responsables algériens applaudissaient le candidat Macron, après qu’il avait comparé en février 2017 la colonisation française à un crime contre l’humanité, est révolu.

Mais au-delà des chicaneries récurrentes entre Alger et Paris — lesquelles masquent la persistance de liens humains et économiques importants —, cette crise n’est pas une bonne nouvelle pour la stabilité du Maghreb. En prenant parti pour le Maroc, M. Macron empêche désormais la France de jouer le rôle de conciliateur en cas d’aggravation des tensions entre Alger et Rabat. Les deux rivaux mobilisent des budgets importants pour leurs dépenses militaires — 18,3 milliards de dollars côté algérien en 2023 et 5 milliards de dollars pour la partie marocaine (1) —, tandis que les relations diplomatiques sont rompues depuis août 2021. Jusqu’à présent chacun a veillé à ne pas commettre l’irréparable, mais un conflit fratricide reste possible. Au vu de l’importance des communautés algérienne et marocaine présentes sur le sol français, qui peut croire que l’Hexagone ne subirait pas les conséquences d’un tel affrontement ?

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