Communiqué de la Confédération Paysanne le 22.05.2023
En poussant en catimini une définition de « l'agriculteur actif » qui permet à une personne ne détenant que 5% des parts sociales d'une société d'être reconnue comme tel, le président de la FNSEA* Arnaud Rousseau et le Ministre de l'agriculture viennent, sans débat public, de consacrer un modèle où les « paysan·nes » ne sont en rien maîtres de leurs décisions et de leur outil de production.
Avec seulement 5% du capital d'une société, cette personne n'aura pas de poids face aux autres actionnaires. C'est la porte grande ouverte à la financiarisation de l'agriculture et à l'asservissement du monde agricole à des investisseurs extérieurs.
Avec des exploitations de plus en plus grandes et donc intransmissibles, des agri-managers ont jugé bon de vendre les fermes françaises aux appétits des fonds de pension privés, spéculatifs et des firmes de l'agrobusiness ou de la grande distribution.
Il sera ainsi théoriquement possible de rentrer dans le capital d'une société, d'en prendre un contrôle largement majoritaire, de mettre à la tête de l'exploitation un gérant, possédant seulement 5% des parts, et de toucher des aides PAC*, ainsi que tous les droits afférents à la qualité d'agriculteur actif (soutiens publics, fiscalité…).
Avec une telle décision inique, les pires scénarii sont envisageables : intégration totale des producteur·trices dans la filière de production, prise de contrôle d'investisseurs extérieurs sur le capital des fermes, perte définitive et totale de l'autonomie décisionnelle des paysan·nes débouchant ainsi sur leur disparition pure et simple, remplacés par des gérants à la solde d'impératifs financiers. Ces sociétés pourront truster l'enveloppe du 1er pilier de la PAC* et continuer à écraser les fermes voisines. Les cédant·es n'auront comme option que de laisser partir leur ferme à l'agrandissement.
L'outil de production et donc la production d'alimentation échappera irrémédiablement aux travailleur·euses de la terre. Déjà engagés dans un cycle d'endettement, de surinvestissement, avec une autonomie financière déjà toute relative, les paysan·nes seront définitivement asservi·es au modèle capitaliste et entrepreneurial.
Cette position irresponsable des dirigeants de la FNSEA* agit contre l'intérêt même des agriculteurs·trices. Elle doit être connue et partagée avec l'ensemble de la profession. Nous allons donc porter ce débat dans les départements auprès de nos collègues qui ont leur mot à dire. Et nous en sommes convaincus, cette définition sera revue sous la pression du terrain.
Nous allons aussi interpeler nos parlementaires sur la gravité de ce décret ministériel, coup de poignard aux paysan·nes. Il est de notre devoir de révéler les conséquences à long-terme des décisions politiques sur les conditions sociales et environnementales de production pour notre métier essentiel.
La Confédération paysanne défendra ainsi de toutes ses forces les intérêts des paysan·nes contre les intérêts capitalistes de quelques-uns.