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En Inde, après plus de 100 jours, les agriculteurs poursuivent leurs protestations

Extraits de l'article du 12 avril écrit par Sushovan Dhar pour le CADTM.

Après avoir secoué le nord de l’Inde, la grève générale a été l’occasion pour les paysanEs du sud de passer à l’action. Ils ont répondu à l’appel du Samyukt Kisan Morcha au Bharat Bandh (grève générale) le 26 mars 2021 avec beaucoup d’enthousiasme et en organisant des fausses processions funéraires pour les trois lois agricoles adoptées de force par le gouvernement indien.

 Mobilisations multiples malgré la répression

Auparavant, l’organisation des paysanEs du Karnataka avait lancé des appels à manifester pour dénoncer la loi sur l’accord de la garantie des prix et les services agricoles, la loi sur la promotion et la facilitation du commerce des produits agricoles et la modification de la loi sur les produits essentiels. Tenant leurs promesses, les paysanEs, accompagnés de syndicalistes solidaires, ont défilé dans les rues des districts de Mysore et de Gulbarga. Ils et elles exigeaient le retrait immédiat des lois ainsi qu’une garantie légale du prix de soutien minimum (MSP). Certains manifestants marchaient dans les rues, torse nu, pour mettre en garde contre les effets à long terme de ces lois sur leurs moyens de subsistance.

Dans l’Andhra Pradesh, les partis politiques ont également exprimé leur solidarité avec la grève. Des images de l’arrêt complet des activités dans certaines régions ont circulé sur les médias sociaux. Les travailleurEs du port maritime de Kakinada ont également manifesté avec des bannières. Pendant ce temps, les étudiantEs et les partisanEs de la lutte des paysanEs, qui avaient déjà exprimé leur solidarité avec la grève, ont organisé des manifestations pacifiques et des marches près de l’université du Pendjab, à Chandigarh. La grève a également été observée dans d’autres régions du pays.

Alors que l’on s’attendait à des arrestations dans des régions où les manifestations étaient dynamiques, comme Bengaluru, les paysanEs ont été furieux d’apprendre l’arrestation du secrétaire général de la Bharatiya Kisan Union (syndicat agricole indien), Yudhvir Singh, à Ahmedabad, dans le Gujarat, lors d’une conférence de presse en direct. En janvier, la Cour suprême avait confirmé le droit des paysanEs à manifester et à exprimer leur désaccord. Pourtant, tant les paysanEs qui manifestaient à Bengaluru que les dirigeants qui intervenaient lors d’une conférence de presse ont été arrêtés par la police.

Auparavant, les paysanEs avaient marché pendant des kilomètres, déterminés à faire entendre les « sourdes oreilles », comme l’avait fait le légendaire combattant de la liberté et révolutionnaire Bhagat Singh, à l’approche du jour de son martyre, le 23 mars. Ces paysanEs, ouvrierEs et travailleurEs agricoles ont entamé leur périple depuis Khatkar Kalan au Pendjab — village ancestral de Bhagat Singh — jusqu’à la frontière de Delhi pour faire campagne contre les lois agricoles et les quatre codes du travail. Leur marche a également révélé beaucoup de choses sur la façon dont ils et elles s’organisent : en voyageant dans un camion à moitié plein, avec des ventilateurs dans un coin, ce qui suggère que les paysanEs se préparent à la canicule. Leur principale préoccupation est la prochaine récolte de blé qui sera prête à la mi-avril.

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  Des enjeux cruciaux

Les modifications apportées à la loi sur les produits essentiels risquent de menacer la sécurité alimentaire de l’Inde. S’ils sont appliqués à grande échelle, ils réduiront la diversité alimentaire du pays, ce qui pourrait mettre en danger la souveraineté de la nation. De plus, le risque de stockage de ces produits par des entreprises ne peut que conduire à la domination des prix par ces dernières.

En outre, la répercussion sur les petits agriculteurs et les agriculteurs marginalisés peut leur coûter leurs moyens de subsistance. Il ne fait aucun doute que le secteur agricole du pays a besoin de réformes, mais les solutions proposées par le gouvernement ne résolvent pas les problèmes mais augmentent potentiellement la vulnérabilité de la paysannerie. Il n’est pas difficile d’imaginer pourquoi les agriculteurs n’ont pas été consultés avant la promulgation de ces lois.

Leurs difficultés varient d’une région à l’autre et une approche unique n’a aucun sens. Les petits agriculteurs marginalisés ont besoin d’être protégés des prêteurs, de l’imprévisibilité du temps et de bien d’autres problèmes. Une garantie de prix doit être fournie sur le papier dans les projets de loi pour assurer la protection des agriculteurs contre la volatilité due à la manipulation et à la fluctuation des prix. Enfin, il est impératif de fournir aux agriculteurs les recours juridiques nécessaires pour les protéger de toute exploitation par les entités privées. Les protestations contre les projets de loi ont une valeur cruciale, non seulement pour l’avenir de l’agriculture, mais aussi pour le maintien de notre démocratie.

L’attention suscitée au niveau international contribuera, nous l’espérons, à façonner un avenir meilleur pour les agriculteurEs et leur lutte continuera d’inspirer les générations à venir. Elle a également mobilisé les petits agriculteurs et les agriculteurs marginalisés pour qu’ils fassent entendre leur voix. Les petits agriculteurs marginalisés des zones rurales, des communautés tribales, des régions aux conditions climatiques extrêmement fragiles, etc. ne sont toujours pas entendus. Il est donc du devoir du gouvernement et de notre collectivité de les entendre, d’entendre leur détresse et d’attirer l’attention sur eux.

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