Publié le 21.08.2020 par Amnesty International
Alors que le nombre de cas de Covid-19 enregistrés quotidiennement au Venezuela connaît la plus forte accélération de ces dernières semaines, les autorités ne font pas le nécessaire pour protéger la population.
Pire. Les autorités vénézuéliennes emprisonnent les femmes et hommes médecins et les équipes soignantes qui dénoncent ouvertement leurs conditions de travail difficiles.
Soit les autorités sont dans le déni le plus total quant au nombre de professionnels de santé morts du Covid-19, soit elles n’ont même pas cherché à rassembler des informations précises sur la situation des hôpitaux. Dans les deux cas, le gouvernement est complètement irresponsable.
Plus que des applaudissements, des mesures sont attendues
Le gouvernement de Nicolás Maduro a demandé à la population ces dernières semaines d’applaudir les professionnels de santé. En réalité, ce dont ont besoin ces personnes, ce n’est pas d’applaudissements, mais de mesures concrètes de la part du gouvernement afin d’obtenir les ressources nécessaires pour pouvoir travailler en sécurité.
Par exemple, le personnel doit disposer d’équipement de protection individuelle (EPI). Or, selon l’ONG PROVEA, ce n’est pas le cas. Les rares personnes qui ont reçu des EPI ont été contraintes de réutiliser les masques pendant une longue période, ce qui rend cet équipement inefficace.
Mi-juillet, l’Organisation panaméricaine de la santé (PAHO) a donné 20 tonnes d’EPI pour 31 hôpitaux à travers le pays. Une contribution importante. Pourtant, dans les États où ces dons sont censés avoir été distribués, le personnel de santé a indiqué que rien n’avait changé en ce qui concerne les conditions de travail au quotidien. Des contrôles indépendants doivent être mis en place pour s’assurer que l’aide arrive là où elle est nécessaire.
30% des décès officiels sont des professionnels de santé
Selon l’organisation Medicos Unidos de Venezuela, 71 professionnels de santé sont morts entre le 1er juillet et le 16 août, et 37 de ces décès ont eu lieu au cours des 16 premiers jours du mois d’août. Ce chiffre représente presque 30 % du nombre de morts dues au Covid-19 enregistré par les autorités au Venezuela, qui s’élève à 288. Or, les autorités ne procèdent pas à l’analyse de ce nombre par secteur, et les décès de nombreux professionnels de santé n’ont pas été intégrés dans les chiffres officiels.
Nous avons réuni des informations indiquant que le 16 août, 691 personnes étaient hospitalisées en raison de symptômes liés au Covid-19 dans les principaux hôpitaux de la ville de Caracas. Cela incite à douter de la véracité des chiffres officiels concernant le nombre. Ce jour-là, les autorités avaient signalé seulement 1 148 nouveaux cas de Covid-19 sur l’ensemble du territoire national.
Des représailles insensées
Le Venezuela, comme beaucoup d’autres pays exerce des représailles contre le personnel de santé. C’est inadmissible. Le personnel de santé doit pouvoir s’exprimer sans peur de représailles. Depuis début avril nous surveillons la situation des professionnels de santé en Amérique. Le Venezuela est le seul pays de la région qui ait emprisonné des personnes pour avoir dénoncé publiquement les risques pour leur sécurité et celles des patients.
Selon nos informations, au moins 12 professionnels de santé ont été arrêtés depuis le début de la pandémie. Les droits à une procédure équitable ont été violés pour un grand nombre d’entre elles puisqu’elles n’ont pas été informées des accusations retenues contre elles. Nous dénonçons depuis plusieurs années maintenant la politique de répression menée par le gouvernement de Nicolás Maduro, qui vise à museler et contrôler la population et qui s’illustre par la détention arbitraire et la torture.
Face à la répression, le personnel soignant fuit le pays
Ces dernières années, environ 50 % des médecins du pays sont partis à l’étranger, selon la Fédération des médecins vénézuéliens (FMV). Le Venezuela manque donc de personnel pour faire face à la pandémie. Le départ de si nombreux membres du personnel de santé s’inscrit dans le contexte d’une crise humanitaire et en matière de droits humains qui a poussé 5,2 millions de personnes à fuir le pays.
Au Venezuela, les professionnels de santé gagnent entre 4 et 18 dollars américain par mois. Ils doivent parfois marcher plus de 10 kilomètres pour rejoindre leur travail, car leur salaire ne leur permet pas de prendre les transports en commun. Selon l’organisation Monitor Salud, 68 % des 296 professionnels de santé interrogés à Caracas entre mars et juin arrivaient au travail l’estomac vide.
Le gouvernement vénézuélien doit prendre davantage de mesures pour évaluer de façon satisfaisante les besoins du pays. Les professionnels de santé doivent impérativement disposer de gants, de blouses et de masques chirurgicaux, les hôpitaux de produits de nettoyage et de désinfection. Aujourd’hui, près de la moitié des hôpitaux du pays n’ont pas d’eau ou ont des pénuries d’eau.
Le personnel soignant et les patients manifestent contre le manque de médicaments, de fournitures médicales et de mauvaises conditions dans les hôpitaux au Venezuela, Caracas, le 17 avril 2018 // Credit : LUIS ROBAYO/AFP via Getty Images