Non loin de Norilsk, ville arctique du Grand Nord russe, l’effondrement le 29 mai d’un réservoir de carburant d’une centrale thermique a provoqué la fuite de 21.000 tonnes d’hydrocarbures, provoquant une marée noire d’une ampleur inédite. Les autorités russes ont tardé à réagir, aggravant la pollution.
Des images de la rivière Ambarnaïa et des nombreux cours d’eau alentour – colorés de rouge du fait de la contamination – ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux, suscitant la colère et l’incompréhension des internautes russes. Des réactions d’autant plus vives que les responsables de la centrale ont tenté durant les deux premiers jours de cacher l’incident, avant d’être dépassés par l’ampleur de la catastrophe. L’état d’urgence de niveau fédéral a été décrété le 3 juin.
Les causes exactes de l’accident ne sont pas déterminées et font l’objet d’une enquête. « En raison de l’affaissement soudain des piliers, le réservoir de stockage de carburant diesel a été endommagé, entraînant une fuite de carburant » , a indiqué dans un communiqué Norlisk Nickel (Nornikel), la compagnie possédant l’entreprise NTEK exploitant la centrale.
L’une des plus grandes marées noires qu’ait connu l’Arctique
Selon le géant minier, la fonte du pergélisol pourrait être à l’origine de l’affaissement. Cette explication ne convainc pas le directeur de l’institut d’écologie de l’École supérieure d’économie, Boris Morgounov, cité dans le quotidien russe Kommersant le 4 juin : « Ce phénomène étant une donnée constante et fort bien connue des territoires du Grand Nord russe, on peut se demander si la surveillance des équipements, qui doit être continue, a bien été assurée ». La ville industrielle de Norilsk, qui compte environ 175.000 habitants, est entièrement construite sur le pergélisol. Avec le réchauffement climatique, le dégel du sol menace les infrastructures.
Une partie de la presse russe s’interrogeait également sur les raisons de l’absence de réaction des autorités de Krasnoïarsk lorsque la catastrophe s’est produite le 29 mai. Le gouverneur de la région, Alexander Ouss, a affirmé n’avoir appris l’ampleur de la situation que deux jours plus tard. Quant à Vladimir Poutine, il n’aurait été prévenu que le 3 juin, soit cinq jours après l’accident. Personne n’a vu le président russe « aussi agacé » pendant les deux mois de l’épidémie que ce jour là, relate Kommersant.
Beaucoup de temps perdu, qui aurait pu être mis à profit pour limiter la pollution des rivières et des sols. C’est l’une des plus grandes marées noires qu’ait connu l’Arctique, selon Greenpeace. Pour l’heure, plusieurs lignes de barrages flottants ont été installées pour tenter de contenir la contamination. Nornikel s’est déclarée en mesure de nettoyer la marée noire en deux semaines. Au 3 juin, 262 tonnes de carburant ont été pompées et 800 m3 de terre contaminée évacués, indiquait la société minière.
Les experts estiment cependant que les conséquences de cette pollution auront un impact écologique durable, sur plusieurs années. Greenpeace Russie évalue le coût global des dommages environnementaux à plusieurs dizaines de milliards de roubles.
Dans un communiqué, les autorités locales ont indiqué ne pas avoir relevé de pollution des nappes phréatiques.
Ce n’est pas la première fois que le plus grand producteur mondial de nickel est à l’origine d’une contamination environnementale. En 2016, l’eau de la rivière Doldykane, toujours dans la région de Norilsk, était devenue rouge vif après des travaux dans une usine. Les premiers jours, la société avait nié être à l’origine de la pollution avant de reconnaître sa responsabilité.
Source : Estelle Levresse pour Reporterre