Le projet de loi asile-immigration porté par le ministre de l’Intérieur, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 22 avril dernier, dans le cadre d’une procédure d’urgence, est sécuritaire, discriminatoire, xénophobe et liberticide. Il vise principalement à accélérer les procédures de demandes d’asile en opérant des contrôles plus stricts, des tris cyniques entre les migrant-e-s, en favorisant l’enfermement et en orchestrant une régression de l’accès aux droits. Parmi les mesures les plus scandaleuses, ce projet consacre dans les textes le principe de délation organisée prévu par la circulaire Collomb du 12 décembre 2017, qui commande aux intervenant-e-s du 115 et des différents centres d’accueil et d’hébergement d’adresser mensuellement la liste des personnes hébergées qui sont réfugiées ou dans l’attente de leur demande d’asile à l’OFFI (Office français de l’immigration et de l’intégration). Il double la durée maximale de rétention qui passe ainsi de 45 à 90 jours pour soit disant rendre plus efficace l’éloignement du territoire, quand bien même, il est désormais établi que cette mesure est totalement inefficace : les statistiques démontrent que la grande majorité des expulsions ont lieu durant les 15 premiers jours.
De fait, des milliers de personnes sont ainsi enfermées uniquement parce qu’elles sont pauvres et étrangères et que l’administration souhaite garantir leur éloignement du territoire, en les privant ainsi de façon disproportionnée de leur liberté. Avec elles, leurs enfants sont de plus en plus nombreux à être retenu-e-s et donc enfermé-e-s dans ces structures. Le projet de loi, s’il est adopté en l’état, amplifiera encore cette situation.
Les travaux sénatoriaux ont encore durci considérablement le contenu, notamment en supprimant la carte pluriannuelle de quatre ans, en supprimant la possibilité des frères et sœurs mineur.e.s d’accéder au titre de séjour par le regroupement familial, en ramenant à 7 jours au lieu de 15 le délai de recours pour les « dublinés » (personnes passées par un autre pays de l’accord Dublin avant d’arriver en France)
Nous, organisations syndicales (Syndicat de la Magistrature, Syndicat des avocats de France, SNPES/PJJ-FSU) et associations (DEI-France, FASTI, LDH) dénonçons totalement ce texte qui loin de répondre à l’urgence de la situation en terme d’accueil, de mise à l’abri et de réponse systématique et inconditionnelle aux besoins de première nécessité des personnes ayant migré, porte gravement atteinte aux droits et à la dignité des migrant-e-s, accroît l’enfermement à des fins punitives et réduit l’accès à la justice.
La politique expéditive qui le sous-tend est inefficace, coûteuse et contraire aux devoirs d’humanité qui nous incombe quelques soient les raisons qui ont poussé ces milliers de personnes à quitter leur pays d’origine, tantôt pour fuir les guerres, les catastrophes écologiques ou économiques ou dans l’espoir d’une vie meilleure, au risque de leur vie et de leur santé. C’est pourquoi nous revendiquons des mesures qui garantissent le respect de la dignité des migrant-e-s, leur protection et l’accès au droit. Nous réclamons la fin de rétention dont a fortiori celle des enfants, la régularisation de tou-e-s les sans papiers, la suppression effective du délit de solidarité, le retrait de la circulaire Collomb et du projet de loi asile et immigration, ainsi qu’une véritable politique de lutte contre les trafics d’êtres humains.
Signataires :
Ligue des droits de l’Homme (LDH), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES), PJJ-FSU, Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (SAF), Fasti, Défense des enfants international (DEI).
Paris, le 22 juin 2018