Communiqué d'Amnesty International le 21.02.2018
L’escalade des bombardements effectués par l’État syrien et son alliée, la Russie, dans la Ghouta orientale près de Damas, a fait de nombreux morts et des centaines de blessés au mois de février. Elle doit cesser immédiatement.
Les civils délibérément pris pour cibles
L’État syrien, avec l’appui de la Russie, prend pour cible intentionnellement sa propre population en Ghouta orientale. Ces personnes, déjà cruellement assiégées depuis six ans, sont désormais prises quotidiennement sous le feu d’attaques délibérées qui les tuent et les mutilent et qui constituent manifestement des crimes de guerre.
L’armée syrienne suit une stratégie désormais familière d'assiègement et de bombardement des civils, qui a déjà dévasté Alep, Daraya et d'autres bastions des rebelles, et qui donné lieu au déplacement forcé de la population locale, une violation du droit international humanitaire.
Déjà en 2015, nous avions documenté le siège et le meurtre des civils dans la Ghouta orientale par le gouvernement syrien. En novembre dernier, nous avions alerté sur l’utilisation des bombes à sous-munition par le gouvernement syrien. Ces armes sont interdites par plus de 100 pays en raison du danger extrême qu’elles représentent pour les civils, du fait de leur caractère non discriminant.
Nous avons aussi exposé des violations du droit international humanitaire commises par l’Armée de l’islam, un groupe armé d’opposition basé en Ghouta orientale, notamment le pilonnage illégal de zones civiles dans des régions contrôlées par l’État et des restrictions de la liberté de circulation de civils qui souhaitaient quitter la Ghouta orientale.
Le désespoir sur place
Nos chercheurs suivent la situation sur place et ont recueilli les témoignages de médecins qui évoquent des cas extrêmes de malnutrition, le manque de matériel médical et le fait que les civils et des infrastructures civiles tels que les hôpitaux sont pris pour cibles.
Un pédiatre nous a dit le 16 février 2018:
« Il n’y a pas de mots pour décrire la situation dans la Ghouta orientale aujourd’hui. On a manqué de tout pendant cinq ans et aujourd'hui c'est encore pire. Il y a quelque temps il y avait quelques routes de contrebande, mais aujourd'hui elles sont toutes fermées. La Ghouta manque de nourriture, d’eau potable, d‘électricité, de gaz pour cuisinier et de carburant. La malnutrition dont on souffre est une honte pour l'humanité. Nous vivons ici dans une zone riche à quelques kilomètres de distance de la capital où tout est disponible, tandis que les enfants chez nous meurent de malnutrition. »
Selon le rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la sécurité alimentaire paru le 22 novembre, une miche de pain de 700 g coûtait mi-novembre 85 fois plus cher dans la Ghouta orientale qu'à Damas, situé à seulement 15 kilomètres.
Le directeur d'un centre médical nous a dit le 17 février 2018 :
« La situation médicale dans la Ghouta est extrêmement mauvaise : la plupart des médicaments et fournitures médicales sont indisponibles et il y a beaucoup de pression sur le personnel médical car les civils sont visés sans cesse. Nous travaillons 24h/24h. En 10 jours (le 1-10 février) nous avions plus de 1,100 blessés qui avaient besoin de chirurgie, de premiers secours et de médicaments. Ils ont visé des civils. Ils ne visent pas les fronts de guerre. Il n'y a aucun combattant armé parmi les victimes – tous les blessés sont des civils. »
La communauté internationale doit agir en toute urgence
Depuis six ans, la communauté internationale maintient une position attentiste alors que le régime syrien commet des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre en toute impunité.
Il faut que le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) fasse respecter ses propres résolutions, qui appellent à cesser d’assiéger des zones civiles et de s’en prendre à la population, ainsi qu’à ne pas entraver l’aide humanitaire. Ses membres permanents, parmi lesquels figure la Russie, ne doivent pas bloquer les mesures qui visent à mettre fin aux atrocités de grande ampleur et à accorder réparation aux victimes.
Il est impératif que le Conseil de sécurité indique avec fermeté que les personnes qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ne sauraient jouir d’une quelconque impunité. La tragédie syrienne est un cas d’école, qui montre que les civils paient un lourd tribut du fait de l’impunité dont bénéficient les auteurs d’atrocités de grande ampleur.
Toutes les parties au conflit sont tenues de remplir leurs obligations au regard du droit international humanitaire, de veiller à ce que les civils qui souhaitent fuir la zone puissent le faire en toute sécurité et de ne pas entraver l’accès des organisations humanitaires, afin qu’elles soient en mesure de fournir une aide vitale aux centaines de milliers de personnes dans le besoin en Ghouta orientale.
La Russie, en tant que partie à ce conflit, a la responsabilité particulière de veiller à ce que son allié, le gouvernement syrien, mette un terme à ce siège illégal et cesse de commettre des crimes de guerre.
Stop au massacre
Interpellez les gouvernements russe et syrien pour que les bombardements cessent et que le siège soit levé immédiatement.