Tribune commune d'organisations non-violentes, dont Alternatiba et ANV-COP21, qui apportent leur soutien à la Journée du désarmement du 8 avril.
Pour faire taire les fusils, les Artisans de la Paix du Pays Basque montrent la voie de la non-violence
Le samedi 8 avril prochain, répondant à l’appel des Artisans de la Paix du Pays Basque, des milliers de personnes participeront à une initiative unique en Europe : le désarmement populaire et non-violent d’une organisation militaire, l’ETA. L’ensemble des familles non-violentes françaises seront alors à leurs côtés, et espèrent qu’il n’y aura aucune tentative de la part des autorités françaises et espagnoles pour empêcher cette étape majeure vers une paix définitive au Pays basque.
En 2011, après 5 décennies de guerre larvée et plus d’un millier de morts, le Pays Basque tourne la page de la violence armée. A la conférence d’Aiete, l’ETA s’engage publiquement à rendre les armes qu’elle cache encore chez ses sympathisants. Mais cette volonté se heurte immédiatement au refus des gouvernements espagnol et français de discuter avec l’organisation indépendantiste basque du processus de paix ainsi amorcé. C’est tout l’édifice d’Aiete qui est mis en péril, menaçant même son préalable indispensable, le désarmement effectif de l’organisation ETA.
Des personnalités de la société basque, bien connues pour leur engagement non-violent, parviennent alors à un accord avec les dirigeants de l’ETA qui acceptent de leur déléguer la responsabilité du démantèlement de leur arsenal. Ces « Artisans de la Paix » neutralisent ainsi une cinquantaine de fusils d’assaut, pistolets mitrailleurs et autres revolvers en sciant leurs canons et en perçant leurs barillets. Mais les autorités espagnoles et françaises décident leur arrestation. Il faudra les manifestations pacifiques de milliers de personnes et la mobilisation de 700 élus de tous bords politiques pour obtenir leur libération, après quelques jours.
Cette action non-violente nouvelle en Europe montre combien la non-violence et l’engagement citoyen ont à apporter à la résolution des conflits des temps actuels. Depuis plusieurs décennies des « interventions civiles de paix » se déroulent aux quatre coins du monde afin de prévenir ou de faire cesser la violence et, en particulier, de créer les conditions d’une solution politique des conflits qui reconnaisse et garantisse les droits fondamentaux des parties en présence et leur permette, dans le même temps, de définir les règles d’une coexistence pacifique. C’est la première fois qu’une intervention civile de paix se déroule au cœur de l’Europe occidentale.
L’action du samedi 8 avril, si elle permettait le désarmement intégral d’ETA, serait ainsi un événement historique. Elle montrerait que l’action non-violente et l’implication de la société civile peuvent être une force immense et efficace lorsqu’elles sont déterminées à construire un monde plus juste.
Après le désarmement, la prochaine étape sera de panser les plaies et de soigner les blessures du passé en organisant des formes de reconnaissance ou de réparation en faveur de l’ensemble des victimes et de leurs familles, en faisant toute la vérité sur les épisodes les plus noirs du conflit, en organisant le rapprochement des prisonniers puis leur libération et, bien sûr, en permettant une nécessaire justice transitionnelle, sur le modèle, par exemple, de ce qui permit à l’Afrique du Sud ou encore au Pérou de sortir par le haut des conflits qui les avaient déchirés. Tout ce travail et ces mesures permettront ainsi de mettre en place les conditions d’une réconciliation nationale et d’un vivre-ensemble renouvelé.