Nous avons publié le 14 novembre dernier un appel au ministre de l'Ecologie pour qu'il ne signe pas des permis de forage en vue de rechercher des hydrocarbures.
La société Hess demandait une mutation de ces permis, qui avaient initialement pour objet de rechercher des hydrocarbures de schiste. La technique de fracturation étant interdite en France, ces permis n'avaient plus de raison d'exister, malgré l'engagement théorique de la société Hess de respecter la loi.
Le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin a tranché dans ce sens, en refusant la mutation des permis demandée par Hess Oil.
Voici le communiqué où il expose son argumentaire :
"Philippe MARTIN, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a décidé de refuser d’autoriser la mutation au profit de la société Hess Oil de sept permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures, délivrés par le Gouvernement précédent à la société Toréador et situés dans le bassin parisien.
Le Ministre a déclaré, à cette occasion : « pour traiter ce dossier, j'ai choisi le travail, la transparence et la concertation. J'ai en effet tenu -ce qui ne s’était jamais fait auparavant- à croiser l'expertise technique de mes services à l'expertise citoyenne des collectifs anti-gaz et huiles de schiste qui ont été reçus à plusieurs reprises accompagnés des élus concernés par ces permis. Je prends mes décisions en connaissance de cause et je les assume ».
Il ressort de ces expertises que :
- Ces sept permis présentent une difficulté commune : la filiale française de la société américaine Hess Oil, qui a déposé les demandes de mutation, s'apparente à une "coquille vide" qui ne dispose pas des compétences techniques propres, qui sont requises par le droit minier.
- Deux permis (permis dits d’« Aufferville » et de « Courtenay ») sont désormais expirés et, de ce fait, ne peuvent plus être transférés à un nouveau titulaire.
- Enfin, certains permis, comme celui dit de « Château-Thierry », posent la question de savoir si l'on peut aujourd’hui, compte tenu de l’interdiction générale et absolue de recourir à la fracturation hydraulique posée par la loi du 13 juillet 2011, autoriser la mutation d'un permis dont les objectifs initiaux étaient incontestablement et exclusivement d'explorer des huiles et gaz de schiste. Même si la société Hess Oil a déclaré, afin de se conformer à cette loi, qu'elle ne l’utiliserait pas, les roches-mères visées par cette société dans ses demandes de mutation ne pourraient être explorées que par cette technique interdite sur le territoire national. Dans ces conditions, les permis concernés ne peuvent plus déboucher sur une exploration effective, notamment sur aucun forage pilote.
La mutation demandée est dans ce cas sans objet . Par ailleurs, l’État avait déjà dû, au début de l’année 2013, interdire à Hess Oil d’effectuer un forage horizontal, caractéristique de la fracturation hydraulique, et preuve que cette société n'avait pas renoncé à son projet initial.
Philippe MARTIN précise qu’il a, pour sa part, souhaité avant de rendre sa décision sur ces demandes de mutation attendre la décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société texane Schuepbach dont deux permis avaient été abrogés en application de la loi du 13 juillet 2011. Le Conseil constitutionnel, saisi le 12 juillet 2013 par le Conseil d’État, a rendu le 11 octobre dernier une décision qui a changé la donne juridiquement puisque l’interdiction de la fracturation, dont les dangers sont désormais établis, est ainsi devenue définitive.
En outre, le Ministre rappelle que « le sujet des gaz de schiste et de leur prétendue manne financière est un sujet controversé. La compétitivité de nos entreprises et l’amélioration du pouvoir d’achat des Français passent par la transition énergétique et par la mise en œuvre d’un nouvel équilibre de notre approvisionnement : moins d’énergies fossiles, moins de nucléaire et davantage de renouvelables et d’efficacité énergétique. Je déposerai le projet de loi sur la transition énergétique au Parlement au printemps 2014 ».
Le 26 septembre 2013, l’État avait été condamné, dans le cadre du contentieux ouvert par Hess Oil, à prendre rapidement, et sous astreinte, position sur ces demandes. Cette société réclame aujourd’hui à l’État environ 30 000 euros par demande de mutation. Une décision étant désormais prise, le ministère demandera, lors de l’audience prévue le 6 décembre prochain, une remise de cette somme.
Enfin, Philippe MARTIN tient à affirmer sa confiance aux services du ministère qui ont été injustement mis en cause publiquement au cours de ces dernières semaines et qui ont, tout au long de ce dossier, parfaitement fait leur travail.
Pour en savoir plus :
Les 7 permis concernés sont les permis exclusifs de recherches dit Permis d'Aufferville, de Courtenay, de Nemours, de Leudon-en-Brie, de Château-Thierry, de Rigny-le-Ferron et de Joigny, Ces permis sont situés en Ile-de France (Seine-et-Marne) et, pour certains, sur une partie du territoire de la Marne, de l’Aisne ou de l’Yonne.
En droit minier, le transfert d’un titre minier à un autre titulaire que celui auquel il a été initialement délivré doit faire l’objet d’une autorisation préalable du Ministre chargé des mines, appelée « autorisation de mutation ». Le code minier précise que : « Nul ne peut être autorisé à devenir, par mutation, titulaire d'un titre minier s'il ne satisfait aux conditions exigées pour obtenir un titre de même nature » (art. L. 143-2).
Enfin, « Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherche s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches (…) » (art. L. 122-2 du code minier)."