Communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme ( le 15 juin, le Sénat étudie en deuxième lecture le projet de loi sur la psychiatrie)
La LDH est partie prenante du Collectif « Mais c’est un homme… » qui organise la journée du refus du « Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge »
Nous, collectifs et organisations signataires, réaffirmons notre refus du Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge.
Déjà inacceptable dans sa version initiale, les amendements successifs ont fini de dévoiler ses intentions premières : imposer la contrainte et le contrôle comme fondement du soin en psychiatrie. Ce n’est pas une loi sanitaire, mais une loi sécuritaire. Elle étend la contrainte à toute forme de soin en psychiatrie, de l’hôpital jusqu’au domicile. Elle prévoit en outre un « accueil » de 72 heures, véritable garde à vue psychiatrique sans droits de recours. La position soignante y est dégradée en « expertise de dangerosité », le soin relationnel est évacué. Elle est une grave atteinte aux libertés. Elle dénature la décision du Conseil Constitutionnel du 26 novembre 2010 imposant l’intervention du juge des libertés, en instituant un contrôle judiciaire au rabais. Elle met en place un authentique casier psychiatrique à vie.
Cette loi aggravera l’état déjà misérable de l’accès aux soins en psychiatrie et de son dispositif mis à mal par les politiques qui lui sont appliquées depuis vingt ans. L’état des lieux du soin en psychiatrie est catastrophique, dénoncé de longue date, et à juste titre, par les associations de patients, de familles, et les organisations de professionnels. Cet état de fait est aujourd’hui repris par la publication de diverses inspections dans un rapport de l’IGAS. Ce rapport reprend des faits sans revenir sur les causes historiques de délitement des formations et des budgets, sans intégrer les conséquences de la mise en place de la loi HPST. Nous le combattrons dans ses conclusions et préconisations car certaines sont absurdes, instrumentalisées par le gouvernement à des fins purement sécuritaires et insultantes pour le travail des professionnels qui au quotidien luttent pour préserver la qualité de soin malgré les circonstances.
Cette orientation sécuritaire s’inscrit dans un processus plus global de stigmatisation de populations désignées comme dangereuses. Loi après loi, le fou, le jeune, l’étranger, ou le chômeur…, parmi les populations les plus vulnérables, deviennent ainsi des boucs émissaires pour incarner la peur afin de masquer le démantèlement à l’œuvre des services publics et des solidarités. Ainsi, dans le soin en psychiatrie, l’équilibre est rompu entre les nécessités de soins et les libertés individuelles.
Nous pensons qu’il est de la responsabilité de tous les citoyens et de toutes les organisations attachées au respect des droits de l’Homme d’exiger le retrait pur et simple de ce projet de loi. C’est la liberté de chacune et chacun d’entre nous qui est menacée Nous réclamons un plan de financement d’urgence pour le soin en psychiatrie, relançant les politiques de formation et donnant aux équipes les moyens d’accueillir, de soigner et d’accompagner la souffrance psychique. Nous demandons l’organisation d’un débat national, incluant usagers, famille, organisations de professionnels et élus afin de poser les bases d’une loi sanitaire, humaniste, pour la psychiatrie publique de secteur soucieuse du respect des droits des citoyens.
Dès l’automne nous nous proposons d’ouvrir des espaces de débat pour organiser la résistance aux politiques de la peur.