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Santé mentale, une grande cause perdue ?

Extraits de l'éditorial de Angélique Mounier-Kuhn  pour le Monde Diplomatique d'octobre 2025

Commençons par la bonne nouvelle. Ce sera vite fait. En 2025, l’attention portée à la maladie mentale a changé. Certes l’évolution est loin d’être achevée : le regard sur les pathologies les plus lourdes reste lesté d’archaïsmes. Parce qu’il est différent, imprévisible, le grand psychotique fait encore peur. Mais reconnaissons au moins que, dans la sphère privée comme dans l’espace commun, il est désormais envisageable de nommer son trouble psychique et admissible de confier sa souffrance.

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En France, si la tournure « santé mentale » émerge après-guerre, elle ne s’impose vraiment qu’à partir de 1990. Cette année-là paraît une circulaire relative aux « orientations générales en santé mentale », qui en fait une « préoccupation majeure » exigeant la mobilisation de « tous les moyens efficaces ». L’expression deviendra dès lors une référence systématique dans les discours de santé publique avant de gagner toutes les conversations. « Les murs de l’asile sont tombés, mais parallèlement un ensemble protéiforme de souffrances s’est progressivement mis à sourdre de partout. Il trouve une réponse dans la santé mentale », écrivait en 2004 Alain Ehrenberg (2). Le sociologue poursuivait : « On ne voit plus de quoi on parle, car la santé mentale parle de tout. »

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Nul besoin de se lancer dans une enquête approfondie pour constater l’ampleur du désastre, alors que la pandémie de Covid-19 a dégradé un peu plus l’état psychique des Français, en particulier chez les jeunes. Depuis une vingtaine d’années, les rapports — au Sénat, au président de la République, à l’Assemblée nationale, du Conseil économique, social et environnemental, du Haut Conseil de la famille, de la Cour des comptes, de la Fédération hospitalière de France, du Haut-Commissariat au plan, etc. — se sont suivis à une cadence métronomique, sans parler des alertes lancées par les personnels de première ligne ou les associations de patients. Tous ont pointé les carences et souligné les priorités : structures d’accueil saturées, pression sur les sorties d’hospitalisation, délais excessifs en pédopsychiatrie, urgences engorgées, inégalités territoriales, détérioration des conditions de travail entraînant la désaffection des étudiants pour des professions en sous-effectif chronique. En vain.

Dans un avis rendu en début d’année, le Comité consultatif national d’éthique fait état d’« une crise d’une extrême gravité », qui met en péril « notre capacité, en tant que société, à reconnaître et prendre en charge la souffrance psychique dans le respect des principes de liberté, d’équité et de dignité » . On comprend que les praticiens aient accueilli avec une satisfaction mesurée, pour ne pas dire circonspection, l’élévation de la santé mentale au rang de « grande cause nationale 2025 ». Et qu’ils redoutent les tergiversations budgétaires. Pour l’heure, les mesures présentées en juin passé par le ministre de la santé Yannick Neuder, « point de départ d’un engagement durable » de la part d’un gouvernement assis sur un siège éjectable, l’ont été sans aucune précision sur le financement. Il ne reste plus beaucoup de temps pour éviter que la santé mentale ne se transforme en grande cause (nationale) perdue.

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