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Deux ans après la mort de Mahsa Amini, la France doit se donner les moyens de condamner l’Iran

Tribune collective publiée le 10.09.2024

Le 16 septembre 2022, Jina Mahsa Amini, Kurde iranienne, était assassinée par la police des mœurs pour un voile mal porté. Elle devint le symbole d’un puissant mouvement social et politique mobilisé autour de la devise universelle « Femme, vie, liberté » et revendiquant l’instauration d’une démocratie laïque et sociale, respectueuse des droits des femmes, du vivant, et des groupes ethniques et religieux.

En dépit de la répression tous azimuts déployée par la théocratie militaire iranienne, qualifiée par l’ONU de possible crime contre l’humanité, les Iranien-n-es poursuivent inlassablement leur lutte. En deux ans, rien ne leur a été épargné, et la machinerie de la mort s’est déployée dans toute sa cruauté envers chaque frange de la société mobilisée : répression des étudiants et des enseignants sur les campus, écolier-e-s gazé-e-s, traque des syndicalistes et des objecteurs de conscience (avocat·es, journalistes, médecins, artistes, athlètes, etc.) et criminalisation du mouvement féministe et écologiste dont les militant·es ont été massivement arrêté·es et emprisonné·es.

Rejeté par l’écrasante majorité de la population et dépourvu de légitimité, le pouvoir théocratique ne se maintient aujourd’hui que par la terreur, aussi bien à l’intérieur du pays où un nouveau cap dans la violence a été franchi, que sur la scène internationale où il déstabilise la paix et alimente les conflits armés. Alors que l’attention mondiale se focalise sur ses velléités belliqueuses au Proche-Orient, la république islamique tire prétexte de l’escalade militaire pour amorcer, à huis clos, la militarisation et la mise au pas de la société. Ces dernières semaines, au nom de la lutte contre un prétendu «ennemi intérieur», la république islamique a livré sa véritable guerre, interne, dirigée contre les femmes et la société civile organisée : reprise massive des condamnations à mort, y compris de femmes, à l’instar de la militante des droits humains Kurde, Pakhshan Azizi, de la syndicaliste Sharifeh Mohammadi, de la militante féministe Varisheh Moradi, et de Nassim Gholami Simiari, accélération des pendaisons (29 pour la seule journée du 7 août 2024) dont l’exécution, la veille, du manifestant Gholamreza Rasaei, sans information préalable de ses proches, aux termes d’un procès inéquitable et en méconnaissance des droits à la défense, mais également regain de la répression des prisonnier·es politiques après l’attaque inédite, le 6 août dernier, du quartier des femmes de la prison d’Evin par leurs geôliers.

Cette escalade dans la violence ne suffit pas à stopper les forces, puissantes, de résistance qui continuent de se déployer, au prix de lourds sacrifices humains. La désobéissance civile se poursuit, partout dans le pays, dans les urnes, dans les rues, mais aussi dans les prisons politiques. Boycottant massivement les simulacres d’élections, les Iranien-ne-s ont refusé d’entériner la logique du «bonnet blanc» et du «blanc bonnet» qui a vu triompher Masoud Pezeshkian, président aux ordres de l’ayatollah Khamenei et dépourvu d’autonomie institutionnelle. Malgré le retour massif de la police des mœurs, les femmes continuent de refuser, au péril de leurs vies, le voile obligatoire et défient les lois discriminatoires de l’apartheid de genre qui se renforcent à l’instar d’Arezoo Badri, mère de famille grièvement blessée par la police pour «non-port approprié» du voile et dont des aveux forcés ont été obtenus sur son lit d’hôpital.

La traque de la communauté LGBTIQA + se poursuit, en dépit de la mort d’Ebrahim Raïssi, ancien président ayant qualifié l’homosexualité de «phénomène le plus sale». Derrière les barreaux, enfin, les prisonniers politiques, et les femmes, aux avant-gardes, défient l’ordre tyrannique et patriarcal en dépit de la dégradation de leurs conditions de détention : à Evin comme ailleurs, le quartier des femmes s’impose comme le bastion de la résistance et des luttes démocratiques et rafle les plus hautes distinctions en matière de paix et de droits humains à l’instar du prix Nobel de la paix décerné en décembre 2023 à la militante féministe et anti-peine de mort Narges Mohammadi, et du prix Sakharov, dans la foulée, à Jina Mahsa Amini, à titre posthume.

LA SOCIÉTÉ CIVILE INTERNATIONALE EN ORDRE DE BATAILLE

Au diapason de l’Iran, c’est toute la société civile internationale qui s’est mise en ordre de bataille, autour d’une devise commune : «Femme», pour refuser les inégalités et les persécutions basées sur le genre, «Vie» pour consacrer le droit de toutes et tous de vivre en exigeant l’abolition universelle de la peine de mort, châtiment cruel inhumain et dégradant, pour aspirer à une vie digne et juste socialement, y compris des travailleurs, sans inégalités sociales ou territoriales ; «Liberté» pour l’instauration d’une démocratie laïque et égalitaire où il n’existerait aucun privilège tiré de la naissance ou de la lignée et où le pluralisme des opinions serait respecté.

Afin de poursuivre cet élan, nous, militants des droits humains, citoyens engagés ou dissidents en exil, appelons citoyens, associations, élus à nous rejoindre massivement pour une marche unitaire le dimanche 15 septembre 2024 à 14 heures de Bastille à Hôtel de Ville (Paris) autour des revendications suivantes : solidarité avec la société iranienne pour l’instauration d’une démocratie laïque, sociale, égalitaire et respectueuse du vivant ; arrêt immédiat de toutes les condamnations à mort, en toutes circonstances et en tous lieux ; libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et de tous les otages d’Etat arbitrairement arrêtés, dont Cécile Kohler, Jacques Paris et Olivier ; refus du recours à la guerre qui mettrait en danger la vie des civils et accélérerait la ruine des ménages.

Aussi, nous exhortons le gouvernement français à prendre les mesures suivantes : fidèle à sa tradition abolitionniste, mettre en œuvre tous les instruments diplomatiques à sa disposition pour que l’Iran ratifie les conventions internationales abolissant la peine de mort ;

Subordonner la poursuite de toutes relations diplomatiques avec la république islamique au respect des droits humains et notamment des femmes dans le cadre d’une diplomatie féministe ;

Œuvrer au plan international pour la reconnaissance et la criminalisation de l’apartheid de genre et la poursuite pénale des persécuteurs ;

Faciliter des visas humanitaires pour les objecteurs de conscience qui trouvent refuge en France et abrogation de la loi immigration qui durcit les demandes d’asile.

Signataires : Iran Justice, Neda d’Iran, Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Ensemble contre la peine de mort (ECPM), Fondation des femmes, Guerrières de la paix, SOS Racisme, l’Alliance des femmes pour la démocratie, Ligue de défense des droits de l’homme en Iran (LDDHI), Russie Libertés, Institut européen des Ouïghours, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Queers and feminists for Iran liberation, Comité indépendant contre la répression des citoyens iraniens, Association pour la défense des droits de l’homme et des revendications démocratiques et culturelles du peuple azerbaidjanais (ArcDH), Union nationale des étudiants juifs de France (UEJF), Azadi 4 Iran, Collectif Alborz, Phenix, Association France solidarité Palestine.

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Jina Mahsa Amini

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