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Alexeï Navalny-Julian Assange : le prix du courage

Tribune collective

Alexeï Navalny est mort. C’est une tragédie, condamnée unanimement par les États occidentaux. Elle est emblématique de l’effondrement démocratique de la Russie, du cynisme de ses dirigeants et de notre impuissance.

Mais il ne suffit pas de s’indigner. Car nous avons aussi, en Europe occidentale, un homme qui paie le prix de son courage. Comme Navalny, il a dénoncé la part d’ombre des États. Il a subi un parcours judiciaire kafkaïen. Et son emprisonnement est un message pour tous ceux qui seraient tentés de suivre son exemple. Julian Assange n’a rien de commun avec Alexeï Navalny, si ce n’est qu’ils ont tous deux payé le prix de s’être opposés au pouvoir, d’en avoir révélé la corruption et les crimes et d’avoir subi pour cela une persécution politique.

Julian Assange est fondateur de Wikileaks, un outil qui devait permettre aux lanceurs d’alerte de faire des révélations et de les vérifier sans risquer leur vie ou leur liberté. Il paie de sa liberté d’avoir diffusé une vidéo dans laquelle on voit un hélicoptère de l’armée américaine abattre froidement des Irakiens, à Bagdad, dont deux journalistes de l’agence Reuter. Il est celui qui a révélé les fraudes de banques suisses et islandaises, ainsi que les circuits de corruption de dictateurs africains ou de certaines compagnies russes offshore. Il a aussi révélé que des présidents français avaient été espionnés par les États- Unis : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande étaient sur écoutes et les informations recueillies étaient partagés avec l’Australie et le Royaume-Uni.

Assange n’a pas été empoisonné, mais il a subi une procédure pour viol, montée de toutes pièces et aujourd’hui abandonnée. La CIA avait même conçu un plan pour l’assassiner. Les comptes bancaires de Navalny et de son organisation anti-corruption ont été gelés. Ceux d’Assange et de Wikileaks ont subi le blocage de Visa, Mastercard et Paypal. Navalny a été accusé d’être un agent de l’étranger et Assange d’être au service de la Russie.

Julian Assange se trouve aujourd’hui dans une prison de haute sécurité au Royaume-Uni, un pays qui se dit démocratique. Si après l’ultime audience du 20 février, ses demandes étaient rejetées, il aura épuisé ses voies de recours. Il pourrait alors être extradé aux États-Unis, où il encourt en théorie 175 ans de prison pour espionnage et en réalité un avenir très sombre. Certes, il dispose encore de la possibilité de voir son cas examiné par la Cour européenne des droits de l’homme. Mais ce recours n’est pas suspensif et tout dépendra de l’importance que le gouvernement anglais attache au respect des droits humains.

Les États-Unis ont été les premiers dans le monde à reconnaître une protection des lanceurs d’alerte. Le premier amendement de leur Constitution protège la liberté de la presse. Lanceurs d’alerte et journalistes ont parfois été les héros de cette démocratie. Mais les temps ont bien changé depuis le Watergate. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater qu’Edward Snowden, à l’origine des révélations sur notre espionnage de masse, est aujourd’hui réfugié en Russie et qu’Assange est poursuivi avec acharnement par les États-Unis. Ceux qui ont dénoncé des crimes sont ainsi devenus des criminels, aux yeux d’un pouvoir qui exige leur neutralisation définitive. Le message est clair : si un journaliste australien, ayant publié en Europe, devait être traduit devant une juridiction américaine, selon la loi américaine, personne n’osera publier des informations qui pourraient déplaire aux puissants.

Cependant, Assange est vivant. Certes en mauvaise santé, conséquence d’un traitement que Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations-Unies, a qualifié de torture psychologique, mais il survit encore. Et avec lui une partie de nos espoirs pour un renouveau démocratique, pour la liberté d’information et d’expression. Cette flamme de résistance ne doit pas s’éteindre. A nous de nous mobiliser pour être à la hauteur du courage de ceux qui ont combattu pour changer le monde et le rendre meilleur.

Signataires : Eric Alt, magistrat, administrateur d’Anticor ; Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Rony Brauman, médecin ; Vincent Brengarth, avocat ; Agnès Briançon et Antoine Chuzeville, secrétaires généraux du Syndicat national des journalistes ; Eva Joly, avocate ; Dominique Pradalié, présidente de la Fédération internationale des journalistes ; Cédric Villani, mathématicien

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