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Le Grand Sud n’a pas besoin des gadgets de l’aide

Publié le 19.08.2021 par Frantz Duval pour "le Nouvelliste", journal d'Haïti

Après le séisme de 2010, pour des millions et des millions de dollars, des millions de bouteilles d’eau ont été achetées, transportées, stockées et distribuées dans les zones sinistrées en Haïti.

L’eau a été bue.

Aucun responsable haïtien n’a osé dire aux généreux donateurs de l’époque que les Haïtiens avaient accès à l’eau avant le séisme et que rien des capacités de production ou de distribution du précieux liquide n’avaient été réellement affectées par le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

Ce qu’il nous fallait, c’était de renforcer les capacités existantes, de monter de nouveaux systèmes d’adduction d’eau potable, de faire baisser le prix de l’eau, de fortifier le réseau d’assainissement et d’évacuation des eaux usées.

Tout le monde s’est tu et nous avons bu toutes les bouteilles d’eau importées à grand frais.

Onze ans plus tard, les régions qui manquaient d’eau en 2010 en manquent toujours après la disparition de la solution éphémère.

La bouteille d’eau fait partie des gadgets de l’aide. Elle est toujours utile, pas toujours indispensable.

L’invasion des bouteilles d’eau risque de se produire à nouveau dans le Grand Sud. Les généreux donateurs arrivent avec de l’eau et de la nourriture comme si la famine et la soif ravageaient les trois départements concernés avant le séisme du 14 août 2021.

Les sinistrés vont manger et boire. Ils disent même déjà qu’ils n’ont rien à manger, rien à boire. Attirer la compassion avec la supplique de la faim est efficace.

En fait, le 14 août au matin, à manger et à boire étaient disponibles dans les trois départements géographiques frappés par goudougoudou. 

On ne doit pas se tromper de besoins ni de solutions une nouvelle fois. Il faut enterrer dignement les décédés. Offrir un abri provisoire tout en encourageant les victimes à rester sur leur terrain. 

Il faut bien prendre soin des blessés. Il faut tout de suite renforcer l’offre médicale existante et reconstruire les infrastructures hospitalières affectées. Il faut offrir de l’assistance psychologique. 

Il faut lancer un vaste programme d’évaluation des bâtiments et d’évacuation des décombres. Offrir des matériaux de construction à bon marché et de qualité. Former aux normes de constructions parasismiques. Encourager la reconstruction des maisons et autres édifices détruits. Formations, matériaux et crédits sont nécessaires. 

Pour revitaliser le Grand Sud, il faut recapitaliser les commerces et les autres entreprises. Le crédit et le micro-crédit sont requis. Artisans, ouvriers, manœuvres, paysans et tous les corps de métiers ont besoin de reprendre leurs activités. De travailler pas de passer des heures à détecter où se fera la prochaine livraison de plats chauds.

Osons rêver d’un plan de relance solide. L’État et ses bailleurs de fonds doivent œuvrer au plus vite pour relancer les capacités de production. Combattre la corruption. Réduire l’assistanat.

Profitons du séisme pour construire ou réparer les systèmes d’adduction d’eau dans les trois départements. Évitons la politique de la bouteille d’eau.

Lançons une vraie campagne de relance agricole au lieu d’offrir une addiction nouvelle aux mets importés.

Dans les zones affectées, il faut désamorcer la faim et la soif, il faut surtout lancer la reconstruction et la production en général sur une grande échelle.

Ne tombons pas une seconde fois dans les pièges de l’aide qui ne laisse pas de traces, qui ne relève pas, qui encourage la mendicité sans fin.

La bouteille d’eau est comme le poisson. Mieux vaut apprendre à pêcher qu’apprendre à la décapsuler. Haïti doit se lancer le défi de construire après le séisme du 14 août un système de distribution d’eau plus solide dans le Grand Sud. 

De l’eau oui, mais durable. Pas un gadget.

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