Communiqué d'Amnesty International
Homicides, viols, incendie de logement et de villages entiers… les Rohingyas subissent les violences des forces de sécurité. Des violations qui pourraient être constitutives de crimes contre l’humanité.
Les forces de sécurité du Myanmar ont lancé une opération de sécurité de grande ampleur dans le nord de l’État d'Arakan après une attaque contre des postes de la police des frontières le 9 octobre. Cette attaque a été attribuée à des extrémistes de la minorité rohingya, et a fait neuf morts chez les policiers.
Des terribles représailles
Les recherches que nous avons effectuées révèlent que la campagne menée par l’armée va bien au-delà de ce qui pourrait être considéré comme une réaction proportionnée face à une menace de sécurité.
Plusieurs témoins ont expliqué que des soldats sont entrés dans leur village, ont ouvert le feu au hasard et tué des villageois - hommes, femmes et enfants confondus. Dans au moins un cas, des soldats ont traîné des personnes hors de chez elles et les ont abattues. Nous ne sommes pas en mesure de confirmer le nombre de victimes.
Le 12 novembre, l’armée a déployé deux hélicoptères de combat au-dessus d’un groupe de villages du nord de l’État d'Arakan, après un accrochage avec des extrémistes présumés. Les hélicoptères ont ouvert le feu au hasard sur des villageois paniqués qui essayaient de fuir, en tuant un nombre indéterminé. Le lendemain, des soldats ont incendié des centaines de logements.
Les viols des militaires
Des soldats du Myanmar ont aussi violé et agressé sexuellement des femmes et des filles durant les opérations de sécurité, en général lors de descentes lorsque les hommes du village avaient fui.
Nous avons recueilli les propos de plusieurs femmes rohingyas, qui nous ont dit avoir été violées par des soldats, ainsi que les récits d’autres personnes ayant été témoins de viols. Des travailleurs humanitaires au Bangladesh ont par ailleurs confirmé que plusieurs victimes de viol ayant franchi la frontière ont été soignées.
Fatimah, une femme rohingya de 32 ans ayant fui au Bangladesh, a déclaré que des soldats étaient arrivés dans son village et l’avaient traînée dans une rizière, où ils l’ont violée :
"Trois soldats m’ont violée [...] Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé ensuite parce que j’ai perdu connaissance [...] Je me suis réveillée tôt le lendemain matin. Je ne pouvais pas me lever alors j’ai traversé la rizière en rampant."
Fatimah, femme rohingya qui s'est réfugié au Bangladesh
Arrêtés sans aucune raison
L’armée et la police des frontières ont arrêté des centaines d’hommes principalement rohingyas, prenant souvent pour cible des anciens, des hommes d’affaires et des responsables communautaires. Notre rapport fait état d’au moins 23 cas de ce type, où des Rohingyas ont été arrachés à leur famille par des policiers, sans qu'aucune information sur le lieu où on les emmenait ni sur ce qu’on leur reprochait ne soit fournie.
Les médias publics au Myanmar ont affirmé que depuis le début de l’opération militaire, au moins six personnes sont mortes tandis qu’elles étaient incarcérées, ce qui fait craindre que la torture ne soit employée en détention.
Les forces de sécurité frappent souvent les Rohingyas lorsqu’elles les arrêtent. Une femme a décrit les tactiques brutales employées par les forces de sécurité lorsque ses deux fils ont été appréhendés :
"Mes deux fils ont été attachés- les soldats leur ont lié les mains derrière le dos et les ont frappés sauvagement. Les soldats leur ont donné des coups de pied dans le torse. Je l’ai vu de mes propres yeux. Je pleurais très fort."
Une femme qui nous a décrit les tactiques brutales des forces de sécurité