Il s'est créé à Calais un point de fixation de migrants venant d'horizons différents, mais souhaitant tous rejoindre l'Angleterre. Cette situation n'est pas nouvelle, mais les autorités gouvernementales ne proposent aucune solution à ce problème, laissant pourrir la situation aux détriments de tous. La justice a récemment condamné l'Etat pour manquement à ses devoirs, en particulier pour ne pas mettre en place des services minimums d'hygiène (enlèvement des ordures ménagères, accès à l'eau, équipement en toilettes).
Le ministère de l'Intérieur organise des départs forcés, dans des conditions que dénonce la la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL). C'est Adeline Hazan qui occupe ce poste, après avoir été battue aux dernières élections municipales. L’ancienne députée européenne et ancienne maire PS de Reims est aussi juriste de formation : elle dresse un réquisitoire sévère de la gestion politique de ce dossier.
Voici des extraits de son site, dans lesquels elle dénonce certains faits et elle recommande qu'il soit mis fin à ces procédures.
Au Journal Officiel du 2 décembre 2015 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives aux déplacements collectifs de personnes étrangères interpellées à Calais.
L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre.
Le ministre de l’intérieur a été destinataire de ces recommandations et a apporté ses observations, également publiées au Journal Officiel.
Lire les recommandations du CGLPL et la réponse du ministre de l’intérieur
(...)
Un traitement de masse des déplacements induisant une prise en charge collective et sommaire qui prive les personnes de l’accès à leurs droits
– Des atteintes au droit au maintien des liens familiaux.
(...)Plusieurs personnes rencontrées par le CGLPL se sont plaintes d’avoir été séparées de membres de leur famille, principalement de leurs frères ou cousins mineurs laissés libres, et se sont inquiétées de l’avenir de ceux-ci, désormais seuls.
– Un accès insuffisant aux droits et à l’information.
(...)Plusieurs des personnes retenues et des intervenants ont déclaré aux contrôleurs être convaincus, compte tenu des informations délivrées, que ce placement en rétention n’était pas destiné à organiser leur éloignement.
- Des actes stéréotypés et des procédures non-individualisées, sources d’imprécisions et d’irrégularités
(...)Ces documents, manifestement préparés à l’avance, témoignent d’une absence d’examen de la situation individuelle de chaque personne.
(...)
Des conditions indignes pour les personnes retenues comme pour le personnel
– Des cellules sur-occupées à l’hôtel de police de Coquelles.
Les contrôleurs on constaté que des personnes séjournaient à quatre dans des cellules individuelles (7m2), parfois à treize dans des cellules collectives (11m2). La grande majorité des personnes dormait à même le sol, certaines sans couverture (...)
– Des policiers et gendarmes très impliqués mais épuisés par la charge de travail
L’arrivée des renforts dans le Calaisis entraîne une désorganisation dans le fonctionnement, les différents fonctionnaires ne se connaissant pas et appartenant à des services distincts. Les policiers de l’hôtel de police de Coquelles sont tous soumis à une forte pression du fait du traitement de masse qui leur est imposé.(...)
Un usage détourné de la procédure de placement en rétention administrative
– Un ensemble d’éléments démontrant une volonté de répartir les personnes sur le territoire national pour « désengorger » Calais.
(...)
– 578 personnes libérées sur 779 personnes déplacées entre le 21 octobre et le 10 novembre 2015.
(...)
– Le placement en rétention administrative doit avoir pour seule finalité de permettre à l’administration d’organiser l’éloignement de la personne.
Un étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et si l’application de mesures moins coercitives ne suffit pas. Le CGLPL observe que les pays d’origine de la majorité des personnes déplacées sont particulièrement sensibles : Syrie, Afghanistan, Irak, Erythrée et Soudan. Or, compte tenu des risques encourus pour leur intégrité physique en cas de retour, nombre de ces personnes ne peuvent, en pratique, y être reconduites. Le nombre très important de remises en liberté sur décision de l’administration démontre une absence de volonté de mise à exécution des OQTF émises.
Le CGLPL est conscient de la gravité de la situation nationale créée par une crise migratoire de très grande ampleur ainsi que de la complexité de la situation locale mais il tient à rappeler que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être respectés en toutes circonstances.
La procédure utilisée par les pouvoirs publics depuis le 21 octobre 2015, instaurant des déplacements collectifs sur l’ensemble du territoire national, prive les personnes concernées de l’accès à leurs droits et est mise en œuvre dans des conditions matérielles portant atteinte à leur dignité. En outre, cette procédure est utilisé non pas aux fins d’organiser le retour dans les pays d’origine mais dans l’objectif de déplacer plusieurs centaines de personnes interpellées à Calais et de les répartir sur l’ensemble du territoire français, et ce dans le but de « désengorger » la ville. Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté.
Le CGLPL recommande qu’il y soit mis fin.
Une jeune femme rapporte son linge jusqu'à sa tente. (Photo de Frederick Paxton / VICE News)