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Guantanamo, 13 ans après

Communiqué d'Amnesty International le 13 janvier 2015

Aujourd'hui, 127 hommes sont toujours détenus dans ce centre, la plupart d'entre eux sans inculpation ni procès. Le transfert de la moitié de ces détenus vers un autre lieu a été approuvé.

 

TREIZE

Treize jours, c'était déjà assez long. Au treizième jour des mises en détention à la base navale américaine de Guantánamo, on comptait déjà 158 prisonniers. Certains de ces hommes se trouvent toujours emprisonnés sur cette base aujourd'hui. 

Treize mois pour les détentions à Guantánamo, c'était déjà beaucoup trop long. À l'époque, en février 2003, le ministre de la Défense avait autorisé des techniques d'interrogatoire qui violaient l'interdiction de la torture et des autres traitement cruels, inhumains ou dégradants. 

Treize ans, c'est une atteinte aux droits humains. Des personnes ont été détenues, année après année, sans inculpation ni procès, et tout cela sur fond de tortures, de mauvais traitements, de disparitions forcées, de détentions arbitraires, de gavages forcés, avec un très petit nombre de poursuites supervisées par un système de commissions militaires qui ne respecte pas les normes internationales en matière d'équité des procès.

À la fin du second mandat du président George W. Bush, le 20 janvier 2009, on comptait encore 245 détenus sur la base. Deux jours plus tard, le nouveau président, Barack Obama, s’est engagé au nom de son gouvernement à fermer le centre de détention de Guantánamo « rapidement » et, au plus tard, le 22 janvier 2010. 

 

IMPASSE POLITIQUE

La raison rendant la résolution de ces détentions si difficile ? Une impasse politique interne où le Congrès s'est opposé à la fermeture du centre, tandis que le gouvernement n'a pas pu ou n'a pas voulu contourner cet obstacle. Selon le droit international, cependant, les législations et politiques d'un pays ne peuvent pas justifier le non-respect des obligations inscrites dans les traités internationaux. Un corps de l’État ne saurait rejeter sur un autre la responsabilité des manquements d’un pays aux droits humains. Le droit international exige des solutions et non des excuses.

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Cette injustice a une cause fondamentale : le gouvernement américain (ses trois composantes) n'a pas considéré ces détentions comme un problème de droits humains. À l’approche du 11 janvier 2015, soit le 4 749e jour d’existence de cette prison tristement célèbre, le pays ne cherche toujours pas à résoudre le problème des détentions dans le respect des principes de droits humains. 

DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS RECONNUES

L'an dernier, trois organismes de surveillance de l'application des traités [ONU] ont appelé à la résolution de ce problème. 

En avril, après avoir évalué les États-Unis au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le pays en 1992, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a appelé les autorités américaines à mettre un terme à la détention administrative sans inculpation ni procès à Guantánamo. Le Comité a demandé aux États-Unis que les procédures visant les détenus de la base s'effectuent au sein du système de justice pénale ordinaire, et non dans le cadre d'un système de commissions ne respectant pas les normes internationales en matière d'équité des procès. 

En août, le Comité pour l'élimination des discriminations raciales a appelé les États-Unis à mettre un terme aux détentions administratives sans inculpation ni procès et à fermer sans plus de délai le centre de Guantánamo Bay. Soulignant l'interdiction de toute forme de discrimination, il a également demandé au pays de garantir le droit des détenus à un procès équitable, conforme aux normes internationales en matière de droits humains, et de libérer immédiatement tout détenu qui ne serait pas visé par une inculpation ou un procès. 

En novembre, le Comité des Nations unies contre la torture a réitéré auprès des États-Unis une déclaration émise huit ans auparavant, en 2006, concernant les détentions à Guantánamo, à savoir que les détentions illimitées constituaient per se une violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par les États-Unis en 1994. Le Comité a exprimé sa préoccupation concernant l'effet cumulatif des conditions de détention et de traitement à Guantánamo sur la santé psychologique des détenus et a redemandé aux États-Unis de mettre fin aux détentions illimitées sans inculpation ni procès. 

GUATANAMO : SYMBOLE D'UN SYSTEME ILLICITE

Les détentions de Guantánamo seront pour toujours associées à des violations du droit international relatif aux droits humains. Les personnes incarcérées ont été torturées ou ont subi d’autres mauvais traitements dans la prison ou avant leur arrivée. Guantánamo, tout comme d’autres établissements du système de détention américain, a été le théâtre de détentions prolongées au secret et de disparitions forcées. Pendant des années, plusieurs centaines de détenus à Guantánamo ont été privés de leur droit de voir un juge statuer sur la légalité de leur détention. Ceux, en petit nombre, qui ont été poursuivis sous la présidence de G. W. Bush n’ont pas été traduits devant une juridiction américaine de droit commun. Pour ces personnes, le gouvernement a inventé un système ad hoc de commissions militaires, appliquant des règles qui étaient loin de respecter les normes internationales d’équité des procès. 

L'administration Obama continue de recourir aux commissions militaires. Elle n'a transféré qu'un seul détenu au système de justice pénale ordinaire pour que cette personne soit jugée devant une cour fédérale. C'était il y a cinq ans. Le gouvernement américain entend appliquer la peine de mort à six détenus s'il obtient leur condamnation à l'issue de procès devant des commissions militaires. L'application de la peine de mort après des procès inéquitables constitue une violation du droit à la vie au regard du droit international. 

On a effectivement constaté une récente vague de transferts de prisonniers hors de Guantánamo. Vingt-huit détenus ont été sortis de cette base au cours de l'année 2014. Auparavant, onze autres avaient été transférés hors du site en 2013. Parmi les personnes transférées, deux hommes l'ont été en Slovaquie, trois en Géorgie, cinq au Kazakhstan et six en Uruguay. Il s'agit là des pays ayant le plus récemment essayé d'aider les États-Unis à sortir de l'ornière qu'ils avaient eux-mêmes creusée. Alors qu'ils ont créé la prison de Guantánamo, les États-Unis cherchent toujours à ce que des pays fassent ce qu'ils se refusent à faire : accepter des détenus que les États-Unis ne veulent plus garder mais qui ne peuvent pas être rapatriés immédiatement pour une raison quelconque. 

OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES

Les États-Unis manquent également à leurs obligation internationales en ne veillant pas à l'obligation de rendre des comptes pour les violations commises à Guantánamo ou ailleurs. Répétons-le : le centre de détention de Guantánamo a été le théâtre de multiples violations des droits humains, y compris des disparitions forcées, et ce pendant plusieurs années. 

Le mois dernier, la Commission spéciale du Sénat sur le renseignement a confirmé que la CIA avait utilisé Guantánamo pour des détentions secrètes en 2003 et en 2004. 

Parmi les personnes encore détenues à Guantánamo, au moins 28 sont passées par le programme de détention secrète de la CIA, et ont subi entre 40 jours et quatre ans et demi de disparition forcée, avant d'être transférées à la base navale. Dans le cadre de ce programme illégal, certaines d'entre elles ont été torturées lors des interrogatoires. 

La torture et la disparition forcée sont des crimes au regard du droit international. Faute d'assurer l'entière vérité, de fournir des compensations et de garantir l'obligation de rendre des comptes concernant ces crimes, les États-Unis manquent gravement à leurs obligations en matière de droits humains. 

Les États-Unis doivent mettre fin aux détentions de Guantánamo d'une manière totalement conforme au droit international relatif aux droits humains, et fermer ce centre de détention. Ils doivent en outre veiller à ce que des enquêtes approfondies et impartiales soient menées sur toutes les allégations de violations des droits humains, traduire les responsables de ces violations en justice et offrir une réparation aux victimes.

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