Il n'est pas certain que Stéphane Hessel ait vraiment apprécié le déferlement d'hommages rendus suite à sa disparition.
Cependant, on trouve parfois dans les jugements haineux de ses adversaires un justificatif qui rend compte en négatif de la justesse de ses combats.
Voici dans son intégralité l'éditorial de Richard Prasquier, président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France).
Le CRIF a appris le décès de Stéphane Hessel à l'âge de 95 ans.
Il est de notoriété publique que nous étions très opposés à ses prises de position, notamment à sa volonté obsessionnelle de faire de Gaza l'épicentre de l'injustice dans ce monde et du Hamas un mouvement pacifique, quasiment d'assistance sociale, contrastant avec son indifférence aux tragédies humaines et aux crimes de masse qui se déroulent de nos jours dans un silence général.
Il va sans dire que nous étions effarés par le succès de son fascicule d'une indigente indignation.
Nous pensons que la mise au pavois de Stéphane Hessel, malgré ses accommodements avec la vérité historique et sa faiblesse argumentative, en dit beaucoup sur le désarroi intellectuel de notre société et sur le rôle aberrant qu'y joue le marketing des individus qu’on transforme à bas prix en luminaires idéologiques.
Stéphane Hessel fut avant tout un maître à ne pas penser.
Son grand âge, son sourire, son apparente ingénuité, son indignation focalisée et ses poèmes surannés évoquaient un monde angélique, mais pavaient la route, certainement sans qu’il le voulût lui-même, aux véritables criminels tapis derrière l’enfer des bonnes intentions.
Le travail de déconstruction de Stéphane Hessel sera effectué. Mais en ce jour de sa mort, nous voulons aussi retenir de lui qu'il fut un résistant courageux, un contributeur, modeste, mais réel, à la lutte pour les droits de l'Homme (y compris à l'époque des refuzniks) et un amoureux passionné des lettres françaises.
Richard Prasquier