Lorsque l’on entend ‘forêt amazonienne’, on pense généralement ‘Brésil’. Pourtant, 8 autres Etats profitent de cet écosystème exceptionnel. Parmi eux, la France avec 8,3 millions d’hectares en Guyane française. Alors que l’État français préconisait récemment un « statut international » à l’Amazonie voué à sa préservation, sa politique minière en Guyane démontre un certain fossé entre les discours et les actes. En attendant la réforme du Code minier annoncée pour la fin de l’année, Guyane Nature Environnement et France Nature Environnement demandent un moratoire sur les titres miniers en Guyane.
Le gouvernement continue de signer des permis d’exploration en Guyane
Dans une tribune publiée le 25 août dernier, le Grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengués s’étonnait du positionnement de l’Etat français sur la situation brésilienne, « qui parallèlement attribue 360 000 hectares de forêt aux multinationales minières, en Guyane, en Amazonie française ». En effet, alors même que le chef de l'Etat déplorait au G7 les incendies en Amazonie liés à la déforestation, un permis d’exploration de près de 5 000 hectares, dit « permis Ratamina 2 », a été signé le 31 juillet. Depuis 2015, ce sont même une vingtaine de permis qui ont été accordés ou renouvelés en Guyane... D’autres demandes sont actuellement en cours, sans oublier la demande de renouvellement de la concession Montagne d’Or toujours d’actualité.
« L’urgence environnementale ne doit-elle pas interroger la pertinence de cette relance minière en Guyane ? Tout comme celle de l’Hexagone, qui a suffisamment impacté le paysage français ? Une économie qui dépend d’une valeur fixée sur le marché mondial n’est-elle pas dépassée ? Ne serait-il pas l’occasion de réfléchir à nos réels besoins en métaux aux côtés de concepts porteurs comme la réparabilité, la sobriété ou encore l’éco-conception ? » questionne Ginette Vastel, pilote du réseau Risques et Impacts Industriels de France Nature Environnement.
Un code minier incompatible avec les exigences environnementales
Surface déforestée, eau polluée, exploitation en tête de bassin... la tradition aurifère de la Guyane n’est pas sans conséquence sur les écosystèmes guyanais et les populations qui en bénéficient[1]. Si les lois françaises encadrent cette activité, la plupart des normes découlent d’un code vieux de plus d’un siècle. Les exigences environnementales ne sont donc absolument pas prises en compte, et l’activité semble parfois même contraire aux normes environnementales en vigueur, comme par exemple la Directive-Cadre sur l’Eau qui vise le bon état écologique des eaux de surface et des eaux souterraines.
« Le développement économique de la Guyane est une nécessité, mais le promettre par la filière minière industrielle est une illusion. La Guyane mérite un développement soutenable qui concilie création d’emplois et préservation des ressources naturelles via des secteurs d’avenir comme l’agriculture, le tourisme ou encore les énergies renouvelables », soutient Rémi Girault, président de Guyane Nature Environnement.
Titres miniers, utilisation du cyanure : des moratoires s’imposent
La Ministre de la Transition écologique et solidaire a annoncé une réforme du code minier d’ici la fin de l’année tout en fustigeant le code actuel qui « ne prend pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux ». France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement saluent cette annonce. Attendue depuis près de 10 ans, cette réforme doit intégrer cette dimension écologique associée à une participation du public cohérente. En l’attendant, les associations demandent :
- Un moratoire sur les titres miniers et une révision du schéma départemental d’orientation minière en Guyane
- Un moratoire sur le cyanure utilise a plus de 80% dans l’industrie minière mondiale
- Une concertation avec les ONG sur le périmètre de cette réforme afin d’y intégrer notamment « l’après mine »
- En amont de la réforme, un débat de fond sur l'opportunité d'une relance minière en France et sur la gestion des ressources minières
[1] A ces impacts considérables s’ajoutent ceux de l’orpaillage illégal : suite à des hausses importantes du cours de l’or ces dernières années, la Guyane subit de plein fouet une nouvelle ruée vers l’or : 10 000 « garimpeiros » s’activent sur tout le territoire.
Site d'orpaillage illégal