Communiqué du réseau éducation sans frontières (RESF), après l’intervention de François Hollande ce 19 octobre 2013.
Hollande intervient à la télé pour démembrer une famille, celle de Léonarda autorisée à revenir en France sans ses parents et ses frères et sœurs. C’est la seule solution qu’il a trouvé face à l’émotion et à la mobilisation des lycéens devant l’expulsion de deux jeunes scolarisés, Khatchik lycéen de 19 ans, et Léonarda collégienne de 15 ans. Il affirme sa fermeté pour répondre aux attentes, montées en épingle par les sondages, des électeurs de droite, qui pendant plus de 10 ans ont entendu Sarkozy et Le Pen associer "immigration et insécurité".
"Je conduirai une lutte implacable contre l'immigration illégale" disait Hollande dans sa campagne. C’était son 50ième engagement et il s’y tient dans son application la plus stricte. Sauf que depuis des années, des militants PS, des responsables de ce parti, Manuel Valls lui-même à l’occasion n’hésitaient pas à soutenir publiquement, à parrainer, à écrire aux préfets pour demander la régularisation d’une famille, d’un jeune. Ces engagements, multiples et dans tout le pays laissaient croire aux électeurs de gauche que le PS au pouvoir en tiendrait compte dans sa gestion de l’immigration et qu’en particulier, il serait attentif aux situations individuelles des personnes vivant en France depuis des années. Une partie de l’opinion publique attendait très rapidement après la présidentielle quelques gestes forts dans ce domaine.
Mais Hollande applique son programme : il nomme Valls à l’Intérieur et laisse l’immigration à la charge de ce ministère. La législation votée sous les deux précédents gouvernements reste en place sans aucun changement. L’annonce d’une nouvelle loi est sans cesse repoussée aux calendes grecques. Et désormais le PS explique qu’il faut respecter la loi, celle là même dont ses membres ont combattu les effets concrets sur des êtres humains bien concrets eux aussi. La seule modification annoncée par Hollande est une accélération des procédures d’examen des demandes d’asile, pour que les enfants n’aient pas le temps de s’intégrer à l’école. Face aux situations désastreuses, les militants et responsables PS ont longtemps baissé les yeux et laissé faire, même si l’affaire de Léonarda et l'expulsion de Khatchik ont amené certains d’entre eux à se démarquer publiquement de Valls. Un premier pas faut-il espérer. Une circulaire de novembre 2012 est censée permettre quelques régularisations. Elle n’a pas force de loi et laisse la plus grande liberté aux préfets. La famille de Léonarda rentrait presque dans les clous très restrictifs de cette circulaire, le Préfet a décidé, en suivant les propos de son ministre de tutelle, que cette famille n’était pas « intégrable ». La scolarisation des enfants, l’avis des enseignants, la naissance d’un enfant en France, la présence de tous depuis cinq ans en France, n’existent pas, pire sont niés, refusés, exclus. Il est indispensable à la bonne marche de ce pays que cette famille soit expulsée vers le Kosovo, un pays pratiquement sans Etat dont on n’a pas besoin de demander l’autorisation pour accueillir ses prétendus ressortissants et dont le traitement fait aux Roms est reconnu carrément discriminatoire.
C’est la loi, disent Hollande et Valls. Une loi héritée de Sarkozy-Guéant et restée intacte. Et la procédure d’expulsion a été respectée : irruption de la police au domicile aux petites heures du matin, obligation de prendre rapidement quelques affaires et de laisser le reste derrière soi et même aller chercher l’enfant qui n’est pas au domicile. Bien sûr, le style de l’interpellation d’une gamine qu’on va saisir dans le bus au cours d’une sortie scolaire comme si c’était un dangereux criminel pour lequel toutes les forces de police doivent être mobilisées toutes affaires cessantes, est un peu choquant, même Hollande le reconnaît.
Mais ce n’est pas cet aspect, anecdotique, qui l’est. Ce qui est choquant c’est que la loi prescrive l’expulsion d’une famille qui vit ici depuis des années. Et c’est le manque de courage politique de ceux qui justifient ces lois, les font appliquer par leur administration et refusent de les changer.
Commentaires
c'est certain aucun changement c'est du Sarkozy sans Sarkozy !
Oui,il a du courage le Président de mener une politique contraire à son programme électoral.Il tient le cap mais lequel ?
Déçu mais tout de même lucide!
le gouvernement Hollande est souvent décevant, c'est vrai! Mais les critiques systématiques et sans nuances servent la Droite et l’extrême droite.Il faut savoir tout de même reconnaitre que ce gouvernement "imparfait" n'est pas comparable à la Droite de Sarkozy!Des mesures ont été prises que jamais la Droite n'aurait prises. Restons donc vigilants, lucides, mais apprenons à ne pas pas dénigrer systématiquement tout ce que le Président Hollande et son gouvernement décident. Il y a une sorte de désespérance qui nait de cette attitude qui valorise le négatif et minimise le positif.Les déceptions de la Gauche et de la Droite s'additionnent ce qui crée un climat de défiance continu.A force de dire que la Gauche et la Droite c'est pareil, il ne faudra pas pleurer quand la Droite reviendra au pouvoir.Nous ne sommes pas des godillots inconditionnels de la Gauche, loin s'en faut!Mais il ne faudrait pas que nous devenions des "rebelles" permanents de la Gauche.Exprimons des solutions alternatives, faisons des propositions constructives et peut-être qu'alors nous serons davantage entendus!
J'apprécie le commentaire de Michel. Il exprime mieux que je ne saurais le faire ce que moi-même je ressens devant les critiques systématiques souvent excessives de personnes qui se croient plus à gauche que la Gauche.
Daniel
Je suis de gauche mais c'est le candidat Hollande qui a déplacé le curseur vers la sociale démocratie après son élection.
Pensez-vous que c'est de gauche le passage à tabac lors d'une manifestation légale du porte parole du DAL, Jean-Baptiste Eyraud,samedi après-midi (consultez le billet d'Attac ) ?
La taxe Tobin supprimée par ordre de Bercy lors du vote du budget,est-ce la démocratie ?
D'accord avec Jean-Jacques.
Sur des faits précis comme ceux qu'énonce Jean-Jacques, je suis favorable à des réactions légitimement critiques.Parfois nous sommes scandalisés, meurtris même,par des faits et actes commis sous un Pouvoir de Gauche qui nous paraissent inimaginables,impensables.Le tabassage de Jean-Baptiste Eyraud en est un malheureux exemple.
Ce qui nous indigne vraiment c'est que des hommes qui s'affirment servir les valeurs de la Gauche puissent à se point les piétiner, les bafouer et ainsi tuer tant d'espérances! Les ambitions personnelles, les rivalités, les intérêts affichés ou cachés,sont souvent les moteurs des trahisons, des mensonges, des renoncements.