Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La sortie du nucléaire en Allemagne n’a rien d’une folie

Extrait d'un article de "Sortir du nucléaire"

images?q=tbn:ANd9GcSFD7MGgX5N6_xcyd41atCYccBog0wnKAL5Ia5koonglKY9a5nz7gIl y a quelques jours, Eric Besson, ministre de l’Industrie et de l’Énergie, a écrit fort contrarié au Commissaire Européen à l’Énergie pour lui demander d’organiser une réunion de concertation avec les différents ministres européens au sujet de la décision allemande de sortir du nucléaire. Nos dirigeants, auxquels une grande partie de la presse emboîte le pas, fustigent ainsi une réaction "émotionnelle", un "manque de sang-froid"...

En réalité, la décision d’Angela Merkel n’a absolument rien de téméraire. Loin de sortir du chapeau, elle se situe finalement dans la continuité de la loi de sortie du nucléaire adoptée par le gouvernement Schröder il y a près de dix ans, et dont la suspension l’an dernier par la coalition des libéraux et conservateurs allemands n’aura finalement été qu’une brève parenthèse. La dynamique pour atteindre cette sortie est en place depuis bien longtemps, avec des lois de soutien aux énergies renouvelables qui ont déjà permis de créer 370 000 emplois. Celles-ci représentent déjà 17 % de la consommation d’électricité allemande, et cette part pourrait même atteindre 47 % d’ici 2020, selon l’Agence allemande des Energies Renouvelables.

Soulignons également que le choix de 2022 comme date butoir résulte d’un compromis politique et n’a rien d’extravagant. L’immense majorité des antinucléaires allemands plaide pour une sortie plus rapide, voire immédiate. L’Agence Fédérale de l’Environnement elle-même a produit ce printemps une étude démontrant qu’une sortie vers 2017 aurait été tout à fait possible, sans mettre au tapis la puissance industrielle de l’Allemagne et sans effet négatif notable sur le prix de l’électricité.

"Et l’explosion des émissions de gaz à effet de serre ?". L’argument serait pertinent s’il n’émanait pas exclusivement du choeur des pollueurs français, ceux-là mêmes qui n’invoquent le climat qu’en ces occasions et refusent par ailleurs que la France se dote d’objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux. Or, même le projet de sortie en 2017 ne prévoit pas de nouvelle centrale au charbon. D’ailleurs, on ne trouvera pas les charbonniers dans les rangs des partisans de la sortie du nucléaire allemande... mais bien les plus éminents défenseurs du climat, tel le réseau "Klima-Allianz" ou l’Institut de Recherche sur le Climat de Potsdam. Pour tous les partisans de la sortie du nucléaire, la transition énergétique n’est pensable qu’en excluant les énergies sales, quelles qu’elles soient.

Le mécontentement de la France cache un aveu d’impuissance

Les réactions de nos gouvernants ne trahissent pas seulement leur méconnaissance du système énergétique allemand ; on peut y lire aussi de véritables cris de panique. Panique face au désaccord dans le couple franco-allemand, peur d’être isolé en Europe... mais aussi aveu d’impuissance criant quant à la vulnérabilité de notre propre système énergétique.

Contrairement à ce que prétend la majorité présidentielle, l’Allemagne ne va pas importer plus :CarteReacteursAllemands-LeFigaro.bin exportatrice nette d’électricité, elle n’a pas besoin du courant français. En revanche, et tous en sont conscients, elle va probablement vendre beaucoup moins. Et c’est là que le bât blesse : en dépit de son parc nucléaire surdimensionné, la France doit bien avouer qu’elle n’est pas autosuffisante et que son illusoire "indépendance énergétique" n’est plus garantie. (Rappelons le caractère mensonger de cette prétendue "indépendance" : 100% de l’uranium utilisé dans les centrales françaises est importé, la technologie de nos réacteurs est sous licence de l’américain Westinghouse, Areva ne possède et ne maîtrise pas la technologie de centrifugation mise en oeuvre dans sa nouvelle usine d’enrichissement de Georges Besse 2, etc.)

Où la France ira-t-elle acheter les kWh qui lui manquent quand, comme cet été, la sécheresse empêche le fonctionnement de plusieurs centrales ? Et surtout, comment fera-t-elle quand il faudra faire face au désormais traditionnel pic de consommation hivernal, qui devient plus aigu chaque année ?

Ce n’est certainement pas la faute de l’Allemagne si la France est un colosse aux pieds d’argile, qui a opéré des choix énergétiques irrationnels. Si, sous la pression d’EDF et consorts, le chauffage électrique, qui consomme chaque année la production de 10 réacteurs, a été développé tous azimuts. Si les performances énergétiques de nos bâtiments stagnent à un niveau si médiocre qu’il horrifie nos voisins européens. Et surtout, si la France s’est dotée de ce parc nucléaire aussi dangereux qu’incapable de répondre aux pointes de consommation.

Au lieu d’incriminer l’Allemagne, la France ferait donc bien mieux de faire preuve d’humilité et d’engager au plus vite une transition énergétique vers un futur sans nucléaire, sobre et renouvelable.

Les commentaires sont fermés.