Pesticides dans l’eau potable : il est encore temps d’agir ! (06/12/2024)
Publié par FNE le 3 décembre 2024
Un rapport interministériel rendu public le 22 novembre dernier fait état de l’échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides, malgré quelques progrès localisés et souvent très lents. Les conclusions du rapport rejoignent notre demande de généraliser la mise en place de deux dispositifs aux mains des préfets, avec interdictions de pesticides dans les périmètres les plus larges possibles. Le cocktail de molécules que nous buvons chaque jour est composé de substances actives cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) ou perturbatrices du système endocrinien. Sans le savoir et sans pouvoir choisir, nous sommes exposés à des risques accrus d’infertilité, de cancers. Il est urgent d’agir pour des raisons de santé publique.
Captages pollués, eau potable en danger : un rapport interministériel sonne l’alarme
De novembre 2023 à juin 2024, une mission réunissant trois corps d’inspection des ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Environnement a enquêté sur la prévention et la maîtrise des risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites (ces molécules issues de la dégradation des pesticides dans l’environnement) dans l’eau destinée à la consommation humaine. Après l’analyse des données disponibles et la conduite de plusieurs centaines d’entretiens, les conclusions du rapport sont sans appel : la reconquête de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine passe par des mesures préventives ambitieuses, à mettre en place d’urgence. Parmi celles-ci sont citées :
- L’interdiction, sur les aires de captages d’eaux souterraines, de l’utilisation des pesticides générant des métabolites susceptibles de migrer vers les nappes phréatiques .
- L’augmentation du taux de la redevance pour pollution diffuse (appliquée à la vente des pesticides mais ne couvrant qu’une faible part du coût du traitement de l’eau) et son élargissement aux produits biocides (pesticides utilisés à des fins non agricoles) .
- L’orientation des fonds publics de la politique agricole commune et des agences de l’eau vers l’évolution des pratiques sur les aires d’alimentation de captages (agriculture biologique, cultures à bas niveau d’intrant, paiements pour services environnementaux spécifiques eau en grandes cultures, infrastructures agroécologiques telles que les haies pour limiter les transferts, actions foncières, actions d’animation et de conseil avec objectifs de résultats…) ;
- La mise en place de Zones Soumises à Contraintes Environnementales (ZSCE) avec des programmes d’actions pour toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité, et des mesures obligatoires de restriction, voire d’interdictions d’usage sur ces aires, accompagnées d’indemnités compensatoires.
L’État sait quoi faire… à présent il faut agir !
Les propositions de ce rapport interministériel rejoignent notre note politique qui met en avant deux dispositifs permettant d’interdire l’utilisation de pesticides dans les zones de captages : les Zones Soumises à Contraintes Environnementales et les Déclarations d’Utilité Publique (DUP). Dans cette note, nous présentons l’état des lieux de la contamination des milieux et tirons la sonnette d’alarme. Nous demandons à l’État de réagir, et aux préfets d’activer les ZSCE et d’intégrer dans les DUP des interdictions d’utilisation de pesticides, notamment quand les actions basées sur le volontariat peinent à porter leurs fruits, et bien sûr en parallèle d’un accompagnement des agriculteurs vers des modèles sans pesticides.
L’eau est la base de la vie, nous la partageons entre humains et non-humains, pourtant sa qualité est aujourd’hui fortement remise en question. Environ 16 % des points de captage sont non conformes aux seuils de potabilité, et plus de 10 millions de français et de françaises ont été alimenté·es au moins une fois en 2022 par de l’eau non conforme. Des dizaines de molécules à risque ne sont par ailleurs pas encore suivies. La pollution des eaux françaises est donc potentiellement très sous-estimée.
La contamination des milieux par les pesticides étant généralisée, l’eau en bouteille n’est pas épargnée. Le traitement de cette pollution est énergivore, de plus en plus coûteuse et fait face à des impasses techniques. D’après le Commissariat général au Développement durable, si l’on dépolluait en pesticides les eaux souterraines, cela coûterait entre 32 et 105 milliards d’euros.
Se servir un verre d’eau est un geste quotidien et anodin. Pourtant, des molécules cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction y sont présentes. Nous sommes exposés à notre insu à un cocktail de molécules dangereuses. Les concentrations sont majoritairement faibles, quelques centièmes à dixièmes de microgrammes par litre, mais l’impact sur le moyen et long terme n’est pas connu, et les conséquences des effets cumulatifs sont difficiles à anticiper. Ce scandale sanitaire est le fruit de décennies de complaisance à l’égard de l’agrochimie, qui manipule les décideurs et les acteurs des filières, et en premier lieu les agriculteurs, lesquels sont les victimes directes d’un système agroalimentaire mondialisé destructeur de nos sociétés et de la vie sur Terre.
Il est temps de mettre un coup d’arrêt à l’utilisation généralisée des pesticides dans l’agriculture. Le cap vers l’agroécologie doit être clair pour les acteurs des filières, et un accompagnement technique et financier doit être déployé pour amorcer un changement d’ampleur.
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