Droits des femmes des manifestations majeures en 2022 (28/03/2023)
Publié par Amnesty International le 28.03.2023.
Soulèvement inédit en Iran contre des décennies d’oppression, manifestations massives aux États-Unis contre la révocation du droit à l’avortement, marches immenses au Mexique contre les violences faites aux femmes : l’année 2022 aura été marquée par d’importantes mobilisations, initiées par les femmes pour revendiquer et défendre leurs droits. Retour sur leur combat et sur l’élan de solidarité internationale que chacune de ces manifestations a entraîné.
« Femme, Vie, Liberté », « Mon corps, mon choix », « Pas une de plus » : autant de slogans que des milliers de femmes ont scandé en Iran, aux États-Unis, au Mexique et en solidarité, partout dans le monde. À chaque slogan son combat : révolte contre le port obligatoire du voile en Iran, protestation contre la décision de la Cour suprême de l’annulation de l’IVG aux Etats-Unis, lutte contre les violences faites aux femmes au Mexique. Mais tous ces slogans portent la même revendication du respect des droits des femmes.
Résistance et résilience auront été les mots d’ordre de milliers de femmes face à des lois et des pratiques qui restreignent leurs droits. Chaque manifestation a motivé d’autres élans à l’international inscrivant la défense des droits des femmes dans un mouvement mondial.
Iran : le soulèvement des femmes pour la reconquête de leurs droits
16 septembre 2022. Mahsa (Zhina) Amini meurt après trois jours de coma à la suite de son arrestation. La jeune femme kurde de 22 ans visitait Téhéran avec sa famille lorsque la police des mœurs l’a arrêtée pour « port du voile non conforme à la loi ». La mort de Mahsa (Zhina) Amini est le drame de trop qui déclenchera une vague d’indignation et de colère dans tout le pays.
Le soulèvement est lancé : les femmes iraniennes partent à la reconquête de leurs droits et de leurs libertés. Elles brûlent leurs voiles en public, elles se filment sur les réseaux sociaux en train de se couper les cheveux, elles chantent en persan « Bella Ciao », ce chant italien qui symbolise la résistance contre l’oppression partout dans le monde… le courage des femmes iraniennes force l’admiration. Pour leurs actes de protestation, elles risquent l’emprisonnement, la torture ou la mort. Mais malgré la répression, elles résistent. « Femme, Vie, Liberté ! », scandé haut et fort dans les rues iraniennes, est le cri de ralliement de la contestation de tout un peuple qui se soulève aussi contre les homicides illégaux et la répression généralisée. Des milliers d'hommes se sont joints au combat initié par les femmes. En signe de protestation, certains d'entre eux ont même porté des voiles dans les rues. Quatre manifestants ont déjà été exécutés par les autorités iraniennes depuis le début du soulèvement.
Le soulèvement né en septembre 2022, et toujours en cours, est sans précédent. Par ce soulèvement, les femmes et les filles iraniennes, remettent en cause tout le système d’oppression mis en place depuis la révolution islamique de 1979. Car, en plus d’être contraintes par la loi sur le port obligatoire du voile, les femmes iraniennes subissent d’autres atteintes et restrictions à leurs libertés à travers une série de lois répressives à leur égard : privation d’accès à l’éducation, à l’emploi et à certains espaces publics... Au regard des lois, elles sont considérées comme des citoyennes de seconde zone. Depuis septembre 2022, les femmes iraniennes revendiquent simplement leurs droits fondamentaux.
« Femme, Vie, Liberté» : un cri porté au-delà des frontières
Le soulèvement en Iran a suscité une vague de solidarité internationale. Le slogan « Femme, Vie, Liberté » a traversé les frontières pour être repris d’une seule voix par des milliers de personnes partout dans le monde, des États-Unis à la Turquie, en passant par la France, le Japon ou encore l’Allemagne et jusqu’en Afghanistan. Un mouvement de solidarité puissant pour dire au peuple iranien : « Nous sommes à vos côtés ». Une solidarité qui s’est aussi exprimée sur les réseaux sociaux où de nombreuses personnalités, face caméra, se sont coupées des mèches de cheveux en soutien aux femmes iraniennes. Les manifestations et les actes de protestations permettent à la solidarité internationale de s’exprimer pour porter un seul et même combat par-delà les frontières.
La résistance des femmes afghanes face aux Talibans
Le combat infatigable pour la liberté des Iraniennes a redonné de l’espoir à d’autres femmes dans le monde, notamment les femmes afghanes. Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans ont ravagé les droits fondamentaux des femmes et des filles en Afghanistan, pays où le simple fait d’être femme expose au pire. Malgré la répression, elles aussi résistent. Le soulèvement de leurs voisines iraniennes les a fait redescendre dans la rue où elles se sont opposées aux talibans pour revendiquer leurs droits.
« Malgré toutes les difficultés, nous n'avons pas abandonné. Nous refusons d'accepter d'être emprisonnées dans nos maisons, nous refusons d'être discriminées, nous refusons d'être réprimées ! », déclare Wahida Amiri, l’une des membres du Mouvement spontané des femmes protestataires d'Afghanistan. Protester contre le régime taliban lui a valu son arrestation. Après 18 jours de détention, elle a été libérée et a décidé aussitôt de quitter l’Afghanistan, son pays natal où elle tenait - avant l’arrivée au pouvoir des talibans - une bibliothèque en plein centre de Kaboul. Aujourd’hui, depuis le Pakistan, elle poursuit son combat dans l’espoir de retrouver un jour sa vie d’avant les talibans. Femmes afghanes, femmes iraniennes, leur courage force l’admiration. Il est de notre devoir de donner un large écho à leur combat pour la liberté.
États-Unis : la colère après la révocation du droit à l'avortement
24 juin 2022. Roe v. Wade n’est plus. La Cour suprême a révoqué son arrêt emblématique qui depuis 1973, garantissait le droit à l’avortement sur l’ensemble du territoire américain. C’est une onde de choc. Il n’y aura plus aucune protection de ce droit au niveau fédéral aux États-Unis. Chaque État peut désormais choisir s’il conserve, ou non, le droit à l’avortement. La décision de la révocation de l’arrêt Roe v. Wade, remet en cause un droit constitutionnel acquis par les femmes il y a un demi-siècle. Une régression historique pour les droits des femmes et des filles et pour les droits de toutes les personnes pouvant être enceintes.
Après le choc, la colère. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue dans plusieurs villes des Etats-Unis pour manifester contre la décision de la Cour suprême. « Mon corps, mon choix ! », « L’avortement est un droit humain », « Nous ne reviendrons pas en arrière », pouvait-on lire sur leurs pancartes. Elles scandaient haut et fort et d’une seule voix : « Avortement légal dans tout le pays ! ».
Dans ces manifestations, des femmes de toutes les générations s’étaient rassemblées. Elles étaient venues défendre, à nouveau, un droit qu’elles avaient pourtant acquis il y a près de 50 ans. « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. », déclarait Simone de Beauvoir. Des mots qui résonnent particulièrement aujourd’hui et qui rappellent que le droit à l’avortement n’est malheureusement pas un droit acquis.
Aux Etats-Unis, la plupart des avortements sont désormais interdits dans 14 Etats et l'avortement est sérieusement menacé dans 26 des 50 États, depuis la révocation du droit à l'IVG par la Cour suprême.
Les législateurs et décisions de justice qui imposent ces restrictions ne représentent une opinion majoritaire dans le peuple américain. 70% de la population est attachée au droit à l’avortement au niveau fédéral. Mais avec l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade, ce sont des millions de femmes, de filles et de personnes pouvant être enceintes qui se retrouvent désormais dans l’impossibilité d’avoir accès à un avortement sécurisé.
« Mon corps, mon choix » : un message universel
Face à cette décision historique et rétrograde, la mobilisation s’est élargie au niveau international : ce qui se passe aux États-Unis impacte les femmes du monde entier. La décision de la Cour suprême américaine pourrait avoir des conséquences néfastes dans des pays qui souhaiteraient remettre en question le droit à l’avortement.
En 2022, le droit à l’avortement n’a pas été mis à mal qu’aux Etats-Unis. Plusieurs pays en Europe ont introduit des mesures pour limiter l'accès à l'avortement, dont la Hongrie et la Slovaquie. De nouvelles restrictions ont aussi été imposées en Pologne, pays qui a l’une des lois les plus restrictives d’Europe. Ces mobilisations qui visent à défendre, à protéger et à renforcer le droit à l’avortement partout dans le monde sont donc d’autant plus importantes. En 2022, la Colombie a dépénalisé l’avortement au cours des 24 premières semaines de grossesse. Une victoire historique pour le mouvement des femmes en Colombie qui lutte depuis des décennies pour la reconnaissance de leurs droits. L'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne ont supprimé certaines restrictions et libéralisé davantage l'accès à l'avortement.
En France, des propositions de loi ont été déposées pour inscrire l’IVG dans la Constitution. Le 8 mars 2023, le président Emmanuel Macron a déclaré vouloir inscrire l'avortement dans la Constitution. Cette annonce est une bonne nouvelle car elle consacrerait enfin ce droit fondamental, mais nous restons vigilants quant à la concrétisation de cet engagement et à la formulation que cet article prendrait dans la Constitution.
Aux États-Unis, en France, en Pologne, en Argentine et de fait dans le monde entier, des milliers de personnes continuent de se rassembler pour défendre le droit à l’avortement. Nous ne le répéterons jamais assez : l’avortement est un droit fondamental.
Mexique : la lutte contre les féminicides
25 novembre 2022. La journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes résonne particulièrement au Mexique, où 10 femmes sont assassinées chaque jour. Des crimes favorisés par l’impunité due aux graves manquements des autorités mexicaines dans les procédures d’enquêtes notamment. Le 15 novembre 2022, le Procureur général de l’État de Mexico a annulé les excuses publiques qui devaient être présentées à des familles de victimes de féminicides et de disparitions. Un très mauvais signal envoyé par l’État de Mexico, qui détient le nombre le plus élevé de féminicides au niveau national.
Au Mexique, entre janvier et novembre 2022, 3450 femmes ont été tuées.
Des milliers de femmes ont exprimé leur indignation en manifestant le 25 novembre dernier contre les manquements de l’État mexicain qui mènent à l’impunité et au redoublement de la violence à l’encontre des femmes. Fortes et unies, leurs voix ont résonné dans plusieurs villes du pays pour dire stop aux violences faites aux femmes. Dans les cortèges, certaines ont défilé en brandissant les portraits de victimes. « Pas une de plus », « Nous voulons rester vivantes ! », « S’ils en touchent une, nous répondons toutes »,… autant de slogans scandés contre les féminicides et pour la justice.
« Pas une de plus » : un mouvement devenu mondial
Ce même 25 novembre, les mêmes slogans ont résonné dans d’autres pays d’Amérique latine, une région du monde particulièrement touchée par les féminicides. En Argentine, 233 féminicides ont été recensés, dont 91 % dans un cadre domestique. De l’Argentine, au Chili, en passant par la Colombie, les femmes étaient dans la rue avec un cri commun : « Ni Una Menos ! » (« Pas une de plus »).
En France aussi, la journée internationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, réunit des milliers de personnes chaque année. Des marches sont organisées sur tout le territoire par le collectif féministe #NousToutes. En 2022, nous avons pris part à ces marches pour alerter plus particulièrement sur les violences sexistes et sexuelles subies, partout dans le monde, par les femmes dans l’exercice de leur droit de manifester.
De nombreuses femmes sont tuées parce qu'elles sont femmes et sont la cible de violences, et cela en toute impunité. Les mobilisations partout dans le monde sont notamment des raisons d'espérer un meilleur cadre juridique afin d’assurer, de garantir et de protéger les droits des femmes. Du Mexique à la Colombie, en passant par la France, les Etats-Unis ou la Turquie, la lutte contre les violences faites aux femmes est un combat commun.
Le courage exemplaire des femmes iraniennes, la résistance des femmes afghanes, la résilience des Américaines, la lutte infatigable des Mexicaines… partout dans le monde, les femmes se battent pour défendre leurs droits, aujourd’hui bafoués et menacés. Des combats qui appellent à la solidarité internationale. Car si l’un de ces droits est fragilisé, il impactera l’ensemble des droits fondamentaux.
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