Israël : les Palestiniens sont victimes d’un apartheid (02/02/2022)

Ségrégation territoriale et restrictions de déplacement, saisies massives de biens fonciers et immobiliers, expulsions forcées, détentions arbitraires, tortures, homicides illégaux… Après un long travail de recherche, notre nouveau rapport démontre que les lois, politiques et pratiques mises en place par les autorités israéliennes ont progressivement créé un système d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien dans son ensemble.

Après un travail de recherche de près de quatre ans, nous publions notre rapport intitulé « L’Apartheid commis par Israël à l’encontre des Palestiniens. Un système cruel de domination et un crime contre l’humanité ». Sur la base d’une analyse juridique et d’une enquête de terrain minutieuses, il documente la mise en place par Israël, à travers des lois et des politiques discriminatoires, d’un système d’oppression et de domination institutionnalisé à l’encontre du peuple palestinien. Si ces violations sont plus fréquentes et plus graves dans les territoires palestiniens occupés (TPO), elles sont également commises en Israël et à l'encontre des réfugiés palestiniens présents dans des pays tiers.  

Réalisées en concertation avec des experts internationaux et des associations palestiniennes, israéliennes et internationales, nos recherches démontrent que ce système correspond à la définition juridique de l’apartheid. Il s’agit d’un crime contre l’humanité défini par la Convention sur l’apartheid de 1973 et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998.  

En droit international, le seuil pour définir un crime d’apartheid est atteint lorsque trois critères principaux sont réunis :  

 -un système institutionnalisé d’oppression et de domination d’un groupe racial par un autre ;

 -un ou des actes inhumains, tels que transferts forcés de populations, tortures et meurtres, commis dans le cadre de ce système institutionnalisé ;

 -une intention de maintenir la domination d’un groupe racial sur un autre.  

Lorsque l’on utilise le mot « race » ou « racial », cela inclut, en droit international, « la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique » (article 1 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale). Cela peut donc s’appliquer dans le contexte israélo-palestinien. 

Un système d’oppression et de domination  

Notre rapport détaille comment – au moyen de lois, de politiques et de pratiques – l’État d’Israël a instauré progressivement un système dans lequel les Palestiniens et Palestiniennes sont traités comme un groupe inférieur, discriminé sur tous les plans :  économique, politique, social, culturel...

En imposant de nombreuses restrictions qui privent le peuple palestinien de ses libertés et de ses droits fondamentaux, les autorités israéliennes se rendent coupables du crime d’apartheid et violent les conventions internationales qui définissent ce crime.  

Ces restrictions ont également un impact économique très fort et contribuent à appauvrir les communautés palestiniennes d’Israël. Par ailleurs, le droit au retour des réfugiés palestiniens est toujours bafoué. Notre enquête fait aussi état de transferts forcés, de détentions administratives, d’actes de torture et d’homicides illégaux, de dépossessions de terres et de biens fonciers, ainsi que de ségrégation, à la fois en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés, et envers les réfugiés palestiniens.  

De nombreux manifestants palestiniens ont été gravement blessés ou tués ces dernières années. C’est sans doute l’exemple le plus flagrant du recours des autorités israéliennes à un usage de la force disproportionné et à des actes illicites pour maintenir le statu quo. En 2018, des Palestiniens et Palestiniennes de la bande de Gaza ont commencé à organiser des manifestations hebdomadaires le long de la frontière avec Israël, pour exiger la fin du blocus et revendiquer le droit au retour des réfugiés. Avant même le début des manifestations, des hauts responsables israéliens avaient averti que tout Palestinien s’approchant du mur serait visé par des tirs. À la fin de l’année 2019, les forces israéliennes avaient tué 214 civils, dont 46 enfants.  

La population palestinienne est considérée comme une menace démographique  

En 2018, l’adoption d’une loi constitutionnelle qui, pour la première fois, définissait Israël comme étant exclusivement « l’État-nation du peuple juif », a entériné les privilèges des citoyens juifs en termes d’obtention de nationalité et une discrimination à l’encontre de la population palestinienne. Cette loi établit notamment le développement des colonies juives comme une « valeur nationale » et l’hébreu comme seule langue officielle, retirant ainsi à l’arabe son statut de langue officielle.  

L’expansion permanente des colonies israéliennes illégales dans les TPO est ainsi encouragée par les autorités israéliennes. Les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est sont fréquemment la cible d’organisations de colons qui, avec le soutien total du gouvernement israélien, s’emploient à forcer des familles palestiniennes à partir et à attribuer leurs logements à des colons. L’un de ces quartiers, Cheikh Jarrah, est le siège de manifestations fréquentes depuis mai 2021, car des familles luttent contre la menace d’une procédure d’expulsion initiée par des colons.  

La construction de ces colonies dans les TPO est une politique publique depuis 1967. Actuellement, des colonies sont implantées sur 10 % de la Cisjordanie, et environ 38 % des terres palestiniennes de Jérusalem-Est ont fait l’objet d’une expropriation entre 1967 et 2017.  

(...)

L’urgence : démanteler ce régime d’apartheid  

Rien ne peut justifier un système reposant sur l’oppression institutionnalisée et prolongée de millions de personnes. L’apartheid n’a pas sa place dans notre monde. La communauté internationale doit reconnaître le crime d’apartheid dont sont responsables les autorités israéliennes et étudier les nombreuses pistes judiciaires qui restent honteusement inexplorées pour que les victimes de ce système puissent obtenir justice et réparation.  

« Israël doit démanteler le système d’apartheid et traiter les Palestiniens comme des êtres humains, en leur accordant l’égalité des droits et la dignité. Tant que ce ne sera pas le cas, la paix et la sécurité resteront hors de portée des populations israéliennes et palestiniennes » conclut Agnès Callamard, notre Secrétaire générale.

 

Nos recommandations   

Nous avons de nombreuses recommandations précises pour mettre un terme à la ségrégation et l’oppression à l’encontre du peuple palestinien et pour qu’Israël démantèle le système d’apartheid, la ségrégation et l’oppression qui l’entretiennent. Voici nos principales demandes.

Nous demandons au gouvernement israélien :

  -la fin des démolitions de logements et des expulsions forcées ;  

 -l’égalité des droits pour l’ensemble des Palestiniens en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés ;   

 -la reconnaissance du droit des réfugiés palestiniens et de leurs descendants à rentrer sur les lieux où leurs familles ou eux-mêmes vivaient autrefois. ;   

 -le versement de réparations complètes aux victimes d’atteintes aux droits humains et de crimes contre l’humanité.   

Nous demandons aux États tiers et à la communauté internationale de réagir avec force :   

 -en exerçant la compétence universelle afin de traduire en justice les personnes responsables du crime d’apartheid. Les États qui ont ratifié la Convention sur l’apartheid en ont l’obligation.  

Nous demandons au Conseil de sécurité de l’ONU d’imposer :  

  -un embargo strict sur les transferts d’armement – armes et munitions, ainsi que les équipements de maintien de l’ordre – vers Israël, car des milliers de civils palestiniens sont tués illégalement par les forces israéliennes.   

 -des sanctions, comme le gel d’actifs, ciblées à l'encontre des responsables israéliens les plus impliqués dans le crime d’apartheid.  

Nous demandons à la Cour pénale internationale : 

 -d'inclure la question de l’apartheid, crime contre l’humanité, dans son enquête, ouverte en mars 2021, sur la situation dans les territoires palestiniens.  

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Des femmes bédouines assises à côté des ruines de leurs maisons, à Umm Al-Hiran, désert du Néguev, Israël © Faiz Abu Rmeleh

22:05 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : israel, apartheid, amnesty international, palestine | |  Facebook | |  Imprimer |