Automobiles : la transition écologique au point mort (14/05/2020)

Publié par Greenpeace le 14 mai 2020

A l’heure actuelle, le secteur automobile n’est pas en cohérence avec le défi climatique, et la crise qu’il traverse actuellement doit être l’occasion d’une remise à plat. Il est temps de mettre la transition écologique au cœur de la relance, mais ce n’est pas ce qui se profile.

Après Air France, c’est au tour de l’entreprise Renault d’obtenir une aide publique : un prêt garanti par l’Etat français à hauteur de cinq milliards d’euros. Est-ce que l’Etat y a assorti des conditions écologiques contraignantes ? Non.

Ce prêt vient s’ajouter aux autres mesures de soutien dont bénéficient les constructeurs automobiles, notamment le financement du chômage partiel, et le gouvernement a aussi indiqué plancher sur des incitations financières pour encourager l’achat de nouvelles voitures ; ces aides à l’achat viendront-elles alimenter la production de nouvelles voitures consommant du diesel ou de l’essence ? Viendront-elles inciter ou décourager l’achat de véhicules lourds et dangereux pour le climat de type SUV ? Seront-elles concentrées sur celles et ceux qui en ont vraiment besoin parce qu’ils ne disposent pas d’alternatives et ont des moyens financiers limités ? On demande à voir.

Relocaliser, oui, mais pas pour produire toujours plus de voitures

En France, le secteur des transports est responsable de 29% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Parmi ces transports, ce sont les voitures individuelles qui émettent le plus de GES (52%). Si nous souhaitons relever le défi climatique, un des enjeux les plus importants est donc bien la réduction du trafic routier. Sauf que dans ses dernières déclarations, Bruno Le Maire n’a aucunement fait mention de la révision du modèle économique de cette industrie. Relocaliser la production en France ou en Europe et poursuivre la production effrénée de voitures, ce n’est pas une condition écologique suffisante.

La relocalisation doit être couplée à une transformation profonde de l’industrie : face au défi climatique, la stratégie ne consiste plus à produire toujours plus de voitures, mais bien à faire en sorte de réduire le nombre de voitures sur les routes, au profit des mobilités partagées (comme le covoiturage ou l’autopartage) et d’autres modes de déplacement (comme les transports en commun ou le vélo).

Aujourd’hui, la loi sur les transports (appelée LOM) prévoit la fin de la production et de la vente des véhicules thermiques (diesel et essence) en 2040. Pour avoir une chance de respecter l’objectif de l’Accord de Paris, cette échéance doit être fixée au plus tard à 2028.

SUV, Super Useless Vehicles

En Europe, les ventes de SUV ont bondi de 8% en 2008 à 32% en 2018. En France, ces modèles représentent désormais 40% des ventes des concessionnaires. Les entreprises automobiles misent énormément sur ces 4×4 urbains pour leur développement commercial. Ils sont pourtant plus lourds, plus consommateurs en carburant, donc plus polluants et dangereux pour le climat. C’est une aberration de continuer à produire toujours plus de ces modèles alors que cela va à rebours de l’histoire.

Lors du vote de la LOM l’été dernier, un amendement visant à interdire les publicités pour les SUV a été rejeté par le gouvernement. Cette ligne de conduite se poursuit : Bruno Le Maire n’a évoqué aucune condition à Renault concernant la production des SUV lorsque le prêt de cinq milliards d’euros a été accordé, confirmant son attitude irresponsable à la suite du prêt accordé à Air France. La bonne décision aurait été d’exiger du constructeur une feuille de route pour sortir de la logique de croissance du segment SUV et prioriser des modèles de voiture plus légers, petits et sobres, donc moins polluants.

Les véhicules électriques ne sont pas la solution miracle.

Bruno Le Maire souhaite accélérer la participation de la France sur le développement des batteries électriques et encourager le développement du marché des véhicules se basant sur cette technologie en France.

La priorité doit être de mener une réflexion globale sur la place de la voiture (thermique et électrique). La voiture électrique n’est pas la solution miracle pour développer une mobilité durable. Si une voiture électrique impacte deux fois moins le climat que son équivalent essence sur l’ensemble de son cycle de vie, elle émet néanmoins des gaz à effet de serre aux différentes étapes de sa production, en plus d’impacter des écosystèmes lors de l’extraction des minerais permettant de produire les batteries.

La diminution du nombre de véhicules en circulation, la baisse des distances parcourues et le transfert vers d’autres modes de déplacement sont indispensables pour atteindre les objectifs de neutralité carbone tout en préservant l’environnement et faire face à la rareté des ressources minérales nécessaires à la production des batteries.

Avant de se lancer à corps perdu dans le développement de cette filière, des conditions doivent être fixées pour encadrer la transition du secteur automobile vers l’électrique. Il est notamment nécessaire d’opérer une transition énergétique sérieuse vers 100% d’énergies renouvelables, d’imposer un plafond sur la taille des voitures et des moteurs pour sortir du tout-SUV, et d’exiger des constructeurs un devoir de vigilance sur le respect de l’environnement et des droits humains tout au long de la filière d’approvisionnement en batteries électriques, etc. Ces conditions ne sont pas remplies à l’heure actuelle, et l’annonce de ce prêt sans condition à Renault ne laisse présager rien de bon pour la suite.

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Sur les transports, L’État file un mauvais coton.

Les choix politiques qui ont été faits jusqu’à présent ont donné la priorité à des secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre (notamment, l’aviation et l’automobile) sans fixer de conditions à la hauteur de la crise climatique que nous traversons. L’argent public injecté dans le système de transports doit aussi et surtout permettre de développer un système plus écologique fondé sur le ferroviaire (trains de jour et de nuit), les transports publics, le vélo.

Pourtant, le secteur ferroviaire se voit reléguer au second plan. Cette inégalité de traitement est incompréhensible ! Elle est révélatrice de l’état d’esprit des responsables politiques dans la résolution de cette crise. Les aides apportées au ferroviaire “n’arriveront pas tout de suite” et les 20 millions d’euros débloqués pour le plan vélo sont loin des 500 millions d’euros estimés nécessaires par le Réseau action climat et qui permettraient d’apporter des changements structurels favorisant ce mode de déplacement.
Quid des emplois ?

Beaucoup d’emplois sont en jeu dans le secteur de l’automobile. Tout soutien public, même ponctuel, doit aller avec la garantie de la protection des salarié·es impacté·es, puis leur formation et leur reconversion vers des emplois et des secteurs cohérents avec le défi climatique. Les relocalisations ne doivent pas être temporaires : une fois la crise passée, les constructeurs automobiles ne doivent pas refaire de la main d’œuvre bon marché une priorité. L’argent public qui sera injecté à plus long terme dans le secteur des transports devra être dédié à la création d’emplois qui s’inscrivent dans un modèle économique plus écologique. C’est en alliant les aspects sociaux et environnementaux que nous éviterons une accélération de la crise climatique.

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