Covid-19, climat et environnement : 5 questions à se poser (25/03/2020)

La crise sanitaire à laquelle la France et une partie du monde font face nous affecte chacune et chacun dans notre quotidien, soit parce que nous continuons de travailler pour prendre soin des autres et assurer leurs besoins essentiels, soit parce nous sommes confiné·es, parfois dans des conditions éprouvantes. Dans la difficulté, notre force réside aussi dans notre capacité à rester lucides et à ne pas accepter n’importe quelle réponse politique lorsque nous parlerons de la crise du coronavirus au passé. Les industries les plus toxiques sont à la manœuvre, alors que des premiers plans de relance se dessinent déjà. A nous de faire en sorte que la relance soit écologique, équitable et citoyenne. On commence par un premier constat... et par cinq questions, entre fausses opportunités et vrais espoirs.

1. Y a-t-il un lien entre la pandémie du coronavirus et le dérèglement climatique ?

C’est avant tout l’hypermobilité humaine qui a favorisé la pandémie du coronavirus. En effet, si les humains se déplaçaient moins et moins loin, la contagion aurait été plus limitée. C’est d’ailleurs l’objectif du confinement. Mais les maladies infectieuses sont bel et bien favorisées par le dérèglement climatique et la destruction de la biodiversité. Certains animaux, comme les moustiques, étendent leurs territoires et répandent donc les maladies infectieuses plus largement. L’exemple de la grippe est également frappant : à cause d’hivers de plus en plus doux, le virus est désormais actif sur une période plus étendue, voire sur toute l’année dans les régions tropicales.

2. Les émissions de CO2 ont-elles vraiment baissé depuis le début de la crise du Covid-19 ?

Oui, les émissions de CO2, responsables du changement climatique, ont nettement baissé dans les pays les premiers touchés par le coronavirus. Entre début février et mars 2020, les émissions de CO2 ont chuté de près d’un quart en Chine par rapport à 2019. De même, le Nord de l’Italie et les Etats-Unis ont commencé à enregistrer une baisse de leurs émissions de CO2 et de la pollution atmosphérique. Pourquoi ces baisses spectaculaires ? Elles sont directement liées à la réduction drastique des activités industrielles fortement dépendantes du charbon et du pétrole. De même, le coup de frein donné à la mobilité des personnes, en particulier liée au trafic aérien mondial (un secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre), semble entraîner mécaniquement une baisse des émissions de CO2. Pas de quoi se réjouir toutefois, car ces baisses ponctuelles arrivent après une longue période de hausse continue : les cinq dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées.

3. Peut-on espérer un impact positif sur l’environnement et sur la baisse des émissions de CO2 à long terme ?

La baisse des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique constatée récemment est en réalité purement conjoncturelle. C’est un trompe-l’œil : elle ne s’est produite que parce qu’une grande partie des activités humaines sont à l’arrêt forcé, dans des conditions dramatiques et avec des conséquences sociales et économiques très lourdes. Le Covid-19 représente un danger pour l’humanité et la planète. Les mesures temporaires prises pour faire face à cette pandémie ne sont pas construites comme une réponse durable au défi du changement climatique.

Depuis des décennies, la tendance globale est à la hausse des émissions de gaz à effet de serre, et les politiques mises en place sont très insuffisantes. Pour réduire durablement les émissions de CO2, c’est le fonctionnement économique de nos sociétés, basé sur des activités polluantes et creusant les inégalités, qu’il faut revoir. Oui, on peut encore espérer une transformation, mais elle ne viendra pas de la crise sanitaire en elle-même : il faudra un plan de relance inédit qui prenne pleinement en compte l’urgence climatique, environnementale et sociale.

4. Doit-on craindre un rebond de pollution et d’émissions de gaz à effet de serre, une fois passée la crise du coronavirus ?

S’il se confirme, le report de grands rendez-vous internationaux comme la COP26, cruciale pour la mise en œuvre effective de l’Accord de Paris, et la Convention sur la diversité biologique (CBD), risque de repousser aux calendes grecques les grandes décisions internationales dont nous avons besoin pour faire face à deux autres urgences : le changement climatique et l’effondrement du vivant. Et les industries les plus polluantes, à l’instar du secteur aérien, s’activent déjà pour bénéficier des efforts de relance, obtenir de nouvelles dérégulations, enterrer les normes environnementales et sociales, au prétexte de retrouver une croissance économique en réalité fondée sur des activités toxiques et sources d’inégalités.

On peut donc effectivement craindre un rebond des émissions de CO2 si le plan de relance vise à retrouver une croissance à n’importe quel prix et à revenir finalement au modèle néolibéral en place depuis des décennies. En 2008, les mesures prises dans le monde pour juguler la crise financière ont bénéficié surtout aux plus aisés et aux industries polluantes. Même si le contexte et la nature de la crise sont très différents en 2020, nous ne pouvons pas nous permettre de répéter les mêmes erreurs. Il faut concevoir des plans de relance qui bénéficient en priorité aux citoyen·nes, à leur santé, à leur bien-être, à leur environnement et au climat, et non aux industries polluantes et climaticides.

5. Comment faire en sorte que les enjeux environnementaux ne soient pas mis sous le tapis après cette crise du Covid-19 ?

Cette crise du coronavirus montre qu’il est possible d’intervenir de manière drastique dans l’économie pour faire face à des menaces qui pèsent sur la collectivité toute entière, de changer les règles, de prendre des décisions qui semblaient improbables et qui deviennent finalement inévitables. « Les grands changements semblent impossibles au début et inévitables à la fin », affirmait l’un des fondateurs de Greenpeace, Bob Hunter. Nous sommes dans un moment de ce type. Cette pandémie aura eu au moins la vertu de déplacer les bornes du réalisme dans l’espace public et dans la décision politique : c’est une opportunité d’adapter notre modèle à l’urgence climatique. Sans quoi, nous ne ferons que subir les fléaux les uns après les autres.

Il est possible et essentiel de revoir nos priorités, de départager les activités économiques utiles au corps social et celles qui font partie du problème. Les plans de sauvegarde à court terme doivent avant tout concourir à la protection des travailleur·ses, et être assortis de contreparties sociales et environnementales pour les entreprises : interdiction de licencier, de verser des dividendes et de procéder à des rachats d’action pour l’année 2020, plans de réduction d’émissions de gaz à effet de serre robustes pour les plus grandes d’entre elles. Ensuite, les plans de relance à moyen terme de la France, comme de la plupart des pays dans le monde, ne doivent pas être dirigés vers les secteurs fossiles. Au contraire : c’est le moment ou jamais d’investir dans la transition écologique en créant des emplois d’avenir. Mais également d’imposer aux grandes entreprises une obligation de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

C’est à nous, citoyen·nes, de faire entendre nos voix pour décider des conditions de ces plans de relance. Nous sommes vigilant·es et mobilisé·es pour que les milliards qui vont être injectés dans l’économie ne financent plus les industries polluantes mais permettent au contraire de poser les bases d’un monde plus équitable, résilient et respectueux des personnes et de l’environnement.

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21:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : covid-19, climat, réchauffement climatique, greenpeace | |  Facebook | |  Imprimer |