La justice doit faire toute la lumière sur le décès de Rémi Fraisse (04/12/2014)

Communiqué d'Amnesty International le 04/12/2014

 

Nous accueillons avec satisfaction la création d’une commission d’enquête parlementaire par l’Assemblée nationale, le 3 décembre, suite au décès de Rémi Fraisse. Elle sera chargée de faire des propositions en matière de missions de maintien de l’ordre. Amnesty International rappelle que les forces de l’ordre doivent agir en matière de recours à la force dans un cadre strict. C’est à l’aune de ce cadre qu’une enquête impartiale doit être menée, et que toutes les responsabilités doivent être établies.

 

LE CONTEXTE DE L'AFFAIRE RÉMI FRAISSE

15135888643_6766a4167b_o.jpgDans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse a été tué alors qu’il manifestait contre le projet de barrage de Sivens au Testet, dans le Tarn. Les premières investigations menées par la justice montrent que sa mort a été causée par l’explosion à son contact d’une grenade offensive de type OF/F1 lancée par un militaire de la gendarmerie nationale. Le Parquet du tribunal de grande instance de Toulouse, compétent pour les affaires militaires, a été saisi et a ouvert le 29 octobre une information judiciaire du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique.

Les investigations judiciaires se poursuivent. Peu après les événements, le ministre de l’Intérieur a procédé à la suspension définitive des grenades OF/F1. Par ailleurs, plus d’une vingtaine d’autres plaintes pour violence et mauvais traitement par les forces de l’ordre auraient été déposées selon l’avocate des opposants au projet de barrage. A la suite du décès de Rémi Fraisse l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a mené une enquête administrative. Elle a été rendue publique le 2 décembre : aucune faute professionnelle n’a été  relevée dans les agissements des forces de l’ordre, selon ses rédacteurs.

LIBERTÉ DE MANIFESTATION ET RECOURS À LA FORCE

Les États ont l’obligation de respecter le droit à la liberté de réunion. Selon le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la France est partie, toute restriction du droit à la liberté de réunion doit être conforme à la loi, et limitée à ce qui est strictement nécessaire pour préserver la sécurité nationale ou la sûreté publique, l'ordre public, la santé ou la morale publiques ou les droits et libertés d'autrui.

Le maintien de l’ordre lors des rassemblements publics (y compris ceux qui ne sont pas totalement pacifiques ou sont considérés comme illégaux par les autorités) doit se faire dans le respect des droits humains, notamment des droits à la vie, à la liberté et à la sûreté des individus, à ne pas être soumis à la torture ou à d'autres mauvais traitements.

Deux textes internationaux régulent le recours à la force par la police : il s’agit du Code de conduite des Nations unies pour les responsables de l’application des lois, et des Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois. Ils interdisent le recours à la force par les responsables de l'application des lois, sauf nécessité absolue et uniquement dans la mesure exigée par l'accomplissement de leurs fonctions, et interdisent l’utilisation des armes à feu en dehors des cas où elle se révèle nécessaire pour protéger la vie.

Les responsables de l’application des lois doivent être clairement identifiables au cours des opérations de maintien de l’ordre liées à une manifestation, c’est à dire qu’ils doivent porter un uniforme et des insignes visibles indiquant leur nom ou leur matricule. En outre, ils doivent faire respecter en toute impartialité le droit de réunion pacifique, et protéger les manifestants de toute éventuelle agression violente. L’usage de la force doit être proportionné, nécessaire et légitime.

L’utilisation de la force devient arbitraire dès qu’un seul de ces critères n’est pas respecté. Il incombe à l’État de veiller à ce que la police réagisse face aux troubles à l’ordre public, notamment à la criminalité, en respectant les normes internationales relatives aux droits humains.

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RECOMMANDATIONS D'AMNESTY INTERNATIONAL

Les responsables de l'application des lois sont parfois contraints de recourir à la force dans l’exercice de leurs fonctions. Mais ce recours doit être proportionné au regard de la gravité de la situation et des risques réels encourus. Amnesty International reconnaît que la tâche de ces responsables est difficile et dangereuse et que, en France, la majorité d’entre eux s’acquittent de leurs fonctions de manière professionnelle, dans le respect de la loi. Néanmoins, lorsqu’une faute est susceptible d’avoir été commise, il est nécessaire d’ouvrir rapidement une enquête exhaustive, indépendante et impartiale.

Amnesty International n’a pas, à ce jour, mené de recherche spécifique sur les circonstances et causes du décès de Rémi Fraisse, ni sur les allégations de violences policières lors des manifestations au projet de barrage de Sivens. Elle suit avec intérêt l’initiative lancée par plusieurs organisations (LDH, FNE, UNEF, Syndicat de la magistrature) pour mettre en place une Commission d’enquête citoyenne qui couvrira l’ensemble des faits survenus lors des manifestations au projet de barrage de Sivens.

Sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse, Amnesty International demande :

-une enquête transparente, exhaustive, impartiale et indépendante sur les conditions de l’usage de la force par les gendarmes, y compris la mise en œuvre de la chaîne de commandement, afin de faire la lumière :

osur les circonstances ayant mené au décès de Remi Fraisse suite à l’emploi d’une grenade offensive de type OF-F1

osur les allégations de violences policières sur le site de Sivens

-une procédure judiciaire afin que les responsables soient identifiés et le cas échéant poursuivis.

Amnesty International exprime son soutien à la famille et aux acteurs de la société civile qui mettent tout en œuvre pour que la lumière soit faite sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse.

 

LIRE / TÉLÉCHARGER  LE RAPPORT

France. Des policiers au-dessus des lois


Index AI : 
EUR 21/003/2009
Date de publication : avril 2009

17:59 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : remi fraisse, sivens, barrage du testet, droit de manifester, amnesty international | |  Facebook | |  Imprimer |