Guerre en Ukraine : la protection des civils doit être la priorité absolue (25/02/2022)

Communiqué d'Amnesty International publié le 24.02.2022.

Dès l’aube, le jeudi 24 février, l'armée russe a attaqué l’Ukraine. Bombardements, tirs de roquettes, attaques de missiles sur les bases militaires ukrainiennes... Des explosions ont retenti dans plusieurs villes et notamment à Kiev, la capitale, et les troupes et les colonnes de chars russes sont entrées dans le pays.  

« Nos pires craintes se sont réalisées » a réagi Agnès Callamard, notre secrétaire générale. Après des semaines d'escalade, l’invasion russe en Ukraine a commencé. La diplomatie a échoué. Les bombes tombent. Des civils vont mourir. Ils meurent déjà.

Des explosions jusqu’à Kiev

La menace d’une guerre en Ukraine couvait depuis des semaines. Après la reconnaissance lundi dernier par Vladimir Poutine, des deux territoires séparatistes, les républiques populaires de Louhansk et de Donetsk situées dans la région du Donbass*, à l’Est de l’Ukraine, la tension était à son paroxysme. Dans la nuit du jeudi 24 février, le président russe Vladimir Poutine a finalement annoncé sa décision d’une « opération militaire spéciale » pour « démilitariser et dénazifier l’Ukraine ».

Une déclaration de guerre télévisée, au cours de laquelle il a affirmé :
"Quiconque tentera d’interférer avec nous, ou pire encore, de menacer notre pays et notre peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et aura des conséquences que vous n’avez encore jamais connues."

Aux environs de 5 heures ce matin, des explosions ont été entendues dans plusieurs villes ukrainiennes, y compris à Kiev, la capitale. Des tirs de missile et de roquettes qui ont visé les bases militaires ukrainiennes. Une attaque des forces russes menée depuis la Russie, le Bélarus, mais aussi la Crimée. La veille, l’Ukraine avait déclaré l’état d’urgence et instauré la loi martiale. Son espace aérien est désormais fermé. 

Des armes non discriminantes

Le ministère de la défense russe a assuré que « les forces armées ne mènent aucune frappe sur les villes d’Ukraine », qu’il s’agisse de missiles, de frappes aériennes ou d’artillerie. Mais d’après les premières informations, l’armée russe a déjà mené des attaques aveugles en Ukraine, et utilisé des armes non discriminantes*. Nos recherches, étayées par le Crisis Evidence Lab* d'Amnesty International, ont confirmé que des missiles balistiques et d'autres armes explosives imprécises avaient été utilisées par l’armée russe.  

À Vuhledar, près de Chuhuiv, et à Ouman (respectivement à l’est, au nord-est et au centre de l’Ukraine), ils ont frappé des zones civiles et des lieux protégés, tels qu’un hôpital. Ces frappes aveugles ont causé la mort d’au moins 6 civils et en ont blessé au moins 12 autres.  

À Vuhledar, dans la région de Donetsk, l’analyse des photos des débris du missile qui a frappé près d’un hôpital, vers 10h30 le 24 février, montre qu'il s’agit d’un missile balistique 9M79 Tochka. Cette arme, extrêmement imprécise, manque régulièrement ses cibles d'un demi-kilomètre ou plus. Elle ne devrait jamais être utilisée dans des zones peuplées. 

Un mépris flagrant pour les droits humains

« L'armée russe a fait preuve d'un mépris flagrant pour la vie des civils en utilisant des missiles balistiques et d'autres armes explosives à effet généralisé dans des zones densément peuplées. Certaines de ces attaques peuvent constituer des crimes de guerre*. Le gouvernement russe, qui prétend à tort n'utiliser que des armes à guidage de précision, doit assumer la responsabilité de ces actes », a déclaré Agnès Callamard, notre secrétaire générale.

Que ce soit lors du conflit dans le Donbass à l’est de l’Ukraine, en Syrie, ou dans le cadre de ses campagnes militaires à l’intérieur du pays, en Tchétchénie, l’histoire récente des interventions militaires de la Russie est entachée d’un mépris flagrant pour les droits humains et le droit international humanitaire (cf encadré). Ce non-respect récurrent du droit international par l’armée russe fait craindre que l’histoire ne se répète. 

Nous sommes particulièrement préoccupés par les activités des milices sur le territoire ukrainien. Il est notoire que ces groupes armés, soutenus par la Russie dans la région du Donbass, ne respectent pas les règles du droit international humanitaire, ni l’obligation de rendre des comptes, tout comme les groupes paramilitaires pro-gouvernementaux ukrainiens.

La protection de la population civile, une priorité absolue 

Face à la gravité de la situation et aux preuves irréfutables de violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains que nous apportons, nous appelons l'Assemblée générale des Nations Unies à se réunir en session d'urgence et à adopter une résolution dénonçant l'attaque illégale de la Russie et appelant à la fin de toutes les violations du droit humanitaire et des droits humains.  

Nous appelons également toutes les parties à respecter strictement le droit international humanitaire et le droit international relatif aux droits humains :

Les vies, les habitations et les infrastructures civiles doivent être protégées ; 

Les attaques aveugles et l'utilisation d'armes interdites telles que les armes à sous-munitions ne doivent pas avoir lieu. 

L’accès des organisations humanitaires aux zones de conflit doit être autorisé et facilité pour  porter assistance à la population civile.

De lourdes menaces pèsent sur la vie, les moyens de subsistance et les infrastructures des civils, ainsi que les risques de pénurie alimentaire aiguë et de déplacements massifs. « La protection de la population civile en Ukraine doit désormais être la priorité absolue  » a déclaré Agnès Callamard. Avant d’ajouter : « Amnesty International suivra de près la situation afin de dénoncer les violations du droit international commises par toutes les parties. » 

L’armée russe : une longue liste de violations des droits humains droit

L’armée russe a maintes fois piétiné les lois droit international humanitaire en s’abstenant de protéger les populations civiles et a même procédé à des attaques ciblant délibérément des civils et des biens à caractère civil.

Dans le Donbass, à l’Est de l’Ukraine, en 2014-2015, au plus fort du conflit armé dans cette région où les forces séparatistes pro-russes s’opposent aux forces ukrainiennes, tous les camps ont bafoué le droit international humanitaire. Des armes explosives imprécises ont notamment été utilisées dans des zones à forte densité de population, et utilisé dans des maisons. Plus d’un million de personnes ont fui les combats. Plus de 13 000 personnes sont mortes. « Ces épisodes ont déchiré des communautés et des vies, les forces militaires ayant piétiné les droits de la population civile en toute impunité » a rappelé à ce propos Agnès Callamard, notre secrétaire générale. 

En Syrie, entre septembre et novembre 2015, nous avons documenté une série de frappes aériennes russes menée dans des zones résidentielles à Homs, Idlib et Alep, qui a fait au moins 200 morts parmi les civils. En 2020, nous avons signalé que l’aviation russe ciblait des écoles et des hôpitaux en Syrie, qui étaient parfois inscrits sur la liste des sites protégés établie par l’ONU.  

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Photo de Justin Yau/Sipa USA. Cette photo montre des habitants de Chuhuiv en Ukraine, le 24 février 2022, devant un immeuble gravement endommagé par un bombardement russe. Le Crisis Evidence Lab d'Amnesty a vérifié les dommages causés à un immeuble résidentiel proche de la base aérienne de Chuhuiv en Ukraine, qui ont tué un civil et en ont blessé un autre. 

21:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, russie, armée russe, droits de l'homme, victimes civiles, amnesty international | |  Facebook | |  Imprimer |