Lettre ouverte aux participants du sommet Women20 : Exigez la libération des militantes saoudiennes emprisonnées (13/10/2020)
Du 20 au 22 octobre, l’Arabie saoudite accueillera le sommet Women20 (W20), qui, d’après son site Internet officiel, « réunira des experts, des représentants et des dirigeants de différents domaines qui échangeront en vue de partager, créer, accélérer et inspirer des solutions destinées à favoriser un avenir plus équitable pour les femmes. » À l’approche du sommet W20, Nous adressons cette lettre ouverte à toutes les personnes et organisations participant au sommet.
Nous écrivons cette lettre ouverte pour faire part de nos profondes inquiétudes quant à la détention de femmes défenseures des droits humains en Arabie saoudite et pour demander à tous les participants au sommet W20 de prendre des mesures en vue de soutenir ces femmes courageuses avant et pendant ce sommet. Depuis quelques années, le gouvernement saoudien tente d’améliorer son image, en consacrant des millions de dollars à une campagne de relations publiques qui encourage les autres États et les entreprises étrangères à investir dans le pays afin qu’il puisse concrétiser ses ambitions économiques pour 2030, qui constituent l’un de ses programmes phares. Pendant cette période, le gouvernement saoudien a engagé plusieurs réformes en matière de droits des femmes, en leur accordant notamment le droit d’obtenir un passeport, ce qui devrait leur donner la possibilité de sortir du pays sans l’autorisation d’un tuteur masculin.
Cependant, les femmes et les filles sont toujours en butte à des discriminations systématiques en droit et en pratique dans d’autres domaines, tels que le mariage, le divorce, l’héritage et la possibilité de transmettre la nationalité à leurs enfants. Les femmes et les filles restent insuffisamment protégées contre les violences, sexuelles entre autres, et continuent d’être arrêtées et inculpées par les autorités pour avoir désobéi aux ordres de leur tuteur masculin. Ainsi, malgré la promesse de l’Arabie saoudite, en tant qu’État membre du G20, de mettre en œuvre les objectifs de développement durable, notamment l’objectif 5 (Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles), et de respecter les engagements pris dans le cadre du G20 en vue de mettre fin à toutes les formes de violence et de discrimination à l’égard des femmes et des filles, le pays a continué de bafouer les droits humains les plus fondamentaux des femmes et de réduire au silence les personnes réclamant l’égalité.
En effet, derrière ces initiatives et ces réformes extrêmement médiatisées, l’État mène actuellement une campagne de répression, qui se caractérise par un climat d’intolérance et des violations des droits humains, notamment contre des militantes de renom. Bien que les autorités saoudiennes mettent en avant les réformes des droits des femmes, telles que la levée de l’interdiction de conduire en juin 2018, des militantes à l’instigation des revendications de changement ont été arrêtées arbitrairement depuis mai 2018 et font maintenant l’objet de procès. Ces femmes avaient fait campagne, pendant des années pour certaines, en faveur du droit de conduire, de l’abandon du système de tutelle masculine et de la garantie des droits civils et politiques pour toutes et tous en Arabie saoudite. Durant les trois premiers mois de leur détention, plusieurs de ces militantes ont été victimes de torture, de violences sexuelles et d’autres formes de mauvais traitements pendant qu’elles étaient détenues à l’isolement sans pouvoir entrer en contact avec leur famille ni un avocat. Certaines défenseures des droits humains ont été libérées à titre temporaire ou provisoire mais font toujours l’objet de poursuites et risquent donc d’être condamnées à des peines d’emprisonnement. Toutefois, Loujain al Hathloul, Nassima al Sada, Samar Badawi, Nouf Abdulaziz et Mayaa al Zahrani demeurent derrière les barreaux simplement parce qu’elles ont réclamé l’égalité.
Ces militantes courageuses doivent être relâchées immédiatement et sans condition afin qu’elles puissent poursuivre leur travail pacifique en faveur des droits humains, œuvrant à un avenir meilleur pour leur pays et sa population. Le fait que l’Arabie saoudite préside le G20 cette année vous offre une occasion unique d’user de votre présence au sommet W20 pour appeler, publiquement et en privé, les autorités saoudiennes à libérer les militantes emprisonnées et introduire de véritables réformes en matière de droits humains et de droits des femmes, sans quoi toute prétention au « progrès » ou à un « changement positif » sera dénuée de sens et de valeur pour la population saoudienne, particulièrement pour les femmes.
Votre participation au sommet W20 ne doit pas permettre à l’Arabie saoudite de redorer son blason sur la scène internationale tout en continuant à emprisonner des militantes.
Par conséquent, nous vous demandons instamment d’user de votre influence lors des réunions, publiquement et en privé, pour :
appeler les autorités saoudiennes à libérer immédiatement et sans condition les défenseures des droits humains saoudiennes emprisonnées (Loujain al Hathloul, Nassima al Sada, Samar Badawi, Nouf Abdulaziz et Mayaa al Zahrani) avant le sommet W20 du 20 au 22 octobre ;
appeler les autorités saoudiennes à abandonner les charges retenues contre les 13 militantes poursuivies en raison de leur travail de défense des droits des femmes.
Nous sommes profondément convaincus que les participants du sommet W20 ont la possibilité et la responsabilité de soutenir les défenseures saoudiennes des droits humains emprisonnées et d’encourager la mise en œuvre de véritables réformes en matière de droits humains. Il s’agit d’une rare occasion pour les organisations et militants en faveur des droits des femmes de permettre des changements positifs en Arabie saoudite. Elle doit être utilisée à bon escient afin que la population puisse espérer un avenir meilleur.
22:05 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droits des femmes, amnesty international, arabie saoudite | | Facebook | | Imprimer |